REPORTAGE. "Le virus n'aurait jamais dû quitter les Savoies" : rencontre avec les tout premiers éleveurs confrontés à la dermatose nodulaire

La colère des agriculteurs ne faiblit pas. Des éleveurs étaient encore mobilisés mardi 16 décembre contre les abattages des troupeaux de bovins touchés par la dermatose nodulaire contagieuse. La contestation monte partout en France face à la stratégie d'abattage des cheptels contaminés. Sébastien Lecornu a tenté mardi de rassurer les éleveurs très mobilisés dans le Sud-Ouest, en promettant "d'accélérer" la vaccination qu'il présente comme une "urgence absolue".

En Haute-Savoie, sur un flanc de colline, de la verdure est visible partout, des montagnes aux alentours et la ferme de Pascal Coen. Ce producteur de lait pointe du doigt une autre exploitation au loin, côté Savoie. C'est là que la première vache française a été touchée par la dermatose. "Le premier cas se situe à environ un kilomètre à vol d'oiseau. On voit la maison d'ici. Et sur un rayon de dix kilomètres, il y a 1 000 bêtes qui sont tombées. Il n'y avait plus rien", explique-t-il.

Transferts illicites

La maladie s'est répandue jusqu'à l'exploitation de Pascal et ses 38 bovins, où le premier cas de dermatose en Haute-Savoie a été détecté, en juillet. Cet éleveur a donc également été le premier à devoir abattre ses animaux. Depuis quelques semaines, de nouvelles vaches sont de retour chez lui. "On a toujours ça en tête. La page ne se tournera jamais. Ça a été très compliqué mais là c'est une renaissance", confie-t-il.

Pascal Coen, producteur de lait avec ses 38 bovins; (MATTHIEU BONHOURE / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)
Pascal Coen, producteur de lait avec ses 38 bovins; (MATTHIEU BONHOURE / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

Il en veut à ceux qui n'ont pas respecté les mesures de biosécurité et permis de laisser se propager la dermatose nodulaire contagieuse. "On a sacrifié notre troupeau. L'abattage était la bonne solution mais le virus n'aurait jamais dû quitter les Savoies", dénonce-t-il.

"S'il y a des cas maintenant dans le Sud-Ouest, ce n'est pas parce que la mouche a fait 500 kilomètres."

Pascal Coen

à franceinfo

"Ce sont des transferts d'animaux qui ont été faits illicitement", soutient cet éleveur qui accuse certains d'avoir déplacé des animaux sans avoir bénéficié de laissez-passer accordé par des vétérinaires et attestant que ces bêtes étaient bien saines.

Indemnisation en suspens

En face, son voisin, Jean-Baptiste Journet, est aussi éleveur. Ses 60 vaches ont toutes été euthanasiées début août. "On est dans l'étable et elle est désespérément vide, se désole-t-il. Il n'y a pas de bruit, ça résonne, pas d'odeur, ce n'est pas quelque chose d'habituel", soupire-t-il. Lui n'arrive pas à reconstituer son cheptel car le troupeau qu'il a acheté est bloqué en Franche-Comté à cause des restrictions de déplacement lié à la dermatose. "L'attente est longue. On a déjà décalé trois fois la date d'arrivée des bêtes", confesse-t-il.

Jean-Baptiste Journet dont les 60 vaches ont été euthanasiées début août. (MATTHIEU BONHOURE / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)
Jean-Baptiste Journet dont les 60 vaches ont été euthanasiées début août. (MATTHIEU BONHOURE / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

À son bureau, il garde précieusement dans son ordinateur tous les documents d'indemnisation. L'État lui a déjà donné 120 000 euros mais doit encore lui en verser 230 000. "Sur ce dossier-là, on peut dire que l'Etat a été plus efficace pour abattre que pour payer ce qu'il devait", ironise-t-il. Pour ces deux éleveurs, la nécessité est aujourd'hui de vacciner à grande échelle. Ils espèrent avoir une nouvelle dose pour leurs animaux avant le retour des beaux jours.