Le King Air 350, l'avion de surveillance français utilisé contre les putschistes au Bénin

Dimanche 7 décembre, au petit matin, une tentative de putsch contre le président Patrice Talon est fomentée par un groupe de militaires béninois. Le coup d'État tourne rapidement court, un échec qui s'explique par la loyauté de l'armée béninoise, restée dans son ensemble fidèle au gouvernement, mais aussi par le soutien des alliés du Bénin.

L'aviation nigériane est ainsi intervenue pour bombarder les mutins, à la demande des autorités béninoises.

La France a également apporté une aide militaire pour contrecarrer le putsch. Sollicité par le président Talon, "Emmanuel Macron a ordonné la mise en place d'une capacité de soutien dans les domaines de la surveillance, de l'observation et de la logistique", ont déclaré mardi 9 décembre l'Élysée ainsi que le ministère des Armées contacté par la rédaction des Observateurs.

"Cet appui s'est inscrit dans la logique de soutien régional et en appui des efforts de la Cédéao. La France et le Bénin entretiennent une relation de partenariat solide et de longue date", précise le ministère des Armées.

Un avion militaire français patrouille dans le ciel de Cotonou

Comment s'est concrètement matérialisée l'aide militaire française en termes de renseignement au président Talon ? Il apparaît qu'au moins un avion militaire français a été déployé durant la riposte contre le coup d'État.

À 13 h 30, environ 2 heures 30 après que le ministre béninois de l'Intérieur Alassane Seidou ait annoncé à la télévision publique béninoise l'échec du coup d'État, un Beech King Air 350 immatriculé F-GYEE décolle de l'aéroport international de Cotonou, révèle le site Flightradar24. L'avion apparaît avoir volé en cercles au-dessus de la capitale économique du Bénin jusqu'à environ 21 h 30, soit peu après l'allocution du président Talon affirmant que la situation au Bénin était désormais "totalement sous contrôle".

Le plan de vol d'un Beech King Air 350 le 7 décembre 2025 sur le site Flightradar24, qui identifie l’appareil comme étant employé par l'armée de l'air française.
Le plan de vol d'un Beech King Air 350 le 7 décembre 2025 sur le site Flightradar24, qui identifie l’appareil comme étant employé par l'armée de l'air française. © Flightradar24

L'aéronef est identifié comme étant employé par l'armée de l'air française, indique le site Flightradar24. Et pour cause, le Beech King Air 350 immatriculé F-GYEE est officiellement mentionné comme un "aéronef militaire" utilisé par le ministère des Armées dans un article du Journal officiel publié le 8 juin 2019 signé par la ministre des Armées. L'appareil a été notamment employé durant l'opération Barkhane, au cours de laquelle la France intervenait militairement au Sahel contre les groupes jihadistes, révèle l'article du Journal officiel.

L'avion militaire n'appartient cependant pas directement à l'armée française. Il est loué à la société CAE Aviation, une entreprise spécialisée dans le domaine des services de surveillance aérienne pour le compte d'"agences gouvernementales" comme l'Otan, l'Union européenne et donc le ministère des Armées.

À l'époque de la publication de l'article du Journal officiel, l'avion était rattaché à "l'escadron électronique aéroporté 00.054 Dunkerque", une unité de renseignement électronique de l'armée de l'air française.

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Un appareil bardé de capteurs

Dans l'armée française, le Beech King Air 350 – bimoteur à hélice – est en effet ce qu'on appelle un avion léger de surveillance et de reconnaissance (ALSR). La mission de l'avion est de collecter du renseignement d'origine électromagnétique, comme les communications ennemies ou les ondes émises par des radars, et du renseignement d’origine image. L'aéronef est bardé de capteurs et peut être équipé d'une boule optronique embarquant des caméras et des lasers de désignation de cibles.

Pour Brant Philip, analyste et chercheur spécialisé dans le jihadisme en Afrique de l'Ouest et contributeur au Counter-Extremism Project, cette aide en renseignement de la France a été déterminante dans la riposte contre les putschistes, possiblement pour appuyer l'aviation nigériane :

"Le rôle joué par le Nigeria et la France a été crucial dans l'écrasement du coup d'État. Il existe des preuves que l'armée de l'air française a recueilli des renseignements pendant plusieurs heures avant l'arrivée des avions de l'armée de l'air nigériane. Y a-t-il eu une communication entre les Français et les Nigérians au sujet des renseignements recueillis ? C'est très probable."

Au micro de RFI, le colonel Dieudonné Djimon Tévoédjrè, commandant de la Garde républicaine béninoise, confirme "le concours d'un avion de reconnaissance du côté français" : "[Il nous a] permis, en fin de journée, de déterminer exactement les positions des mutins et nous a renseignés de manière précise sur leurs positions."