La «Gold Card», effective depuis ce mercredi 10 décembre, trouve son origine dans un décret présidentiel signé le 19 septembre 2025, qui chargeait le secrétaire au commerce, en coordination avec les secrétaires d’État et de la sécurité intérieure, de créer une voie migratoire réservée aux «contributeurs à haute valeur ajoutée». Ce texte autorise l’octroi accéléré de visas d’immigrant aux individus effectuant une contribution d’un million de dollars, ou de deux millions lorsqu’elle est prise en charge par une entreprise. Les fonds sont déposés au Trésor américain afin de promouvoir le commerce et l’industrie.
Le dispositif est explicitement pensé comme une réforme économique de l’immigration : il s’agit de privilégier les étrangers jugés bénéfiques pour la nation américaine, et de générer des recettes massives - la Maison-Blanche mettant en avant des promesses d’investissements étrangers «de plusieurs milliers de milliards de dollars» depuis la réorientation économique de Donald Trump.
Passer la publicitéÉtape 1 : une candidature en ligne et 15.000 dollars pour ouvrir le dossier
Le processus débute sur le site officiel Trumpcard.gov. Le candidat doit créer un compte personnel, téléverser ses documents d’identité et régler 15.000 dollars de frais de dossier, non remboursables. Ces frais correspondent au vetting, une vérification renforcée des antécédents gérée par le département de la sécurité intérieure. Aucun dossier ne progresse sans validation de cette étape, présentée par le secrétaire au commerce Howard Lutnick comme un moyen de «s’assurer que ces personnes sont absolument qualifiées pour être en Amérique». Les entreprises doivent, elles aussi, payer 15.000 dollars pour ouvrir chaque dossier de salarié qu’elles souhaitent sponsoriser.
Étape 2 : un «don» d’un million de dollars - ou deux millions pour les entreprises
Une fois le vetting réussi, le candidat reçoit une invitation officielle à effectuer le paiement central du dispositif : 1 million de dollars pour un particulier, 2 millions par employé pour la «Corporate Gold Card». Dans la communication officielle, cette somme est qualifiée à la fois de «contribution» et de «gift» (don), présentée comme une preuve de la capacité du candidat à «contribuer substantiellement» aux États-Unis. L’intégralité des fonds est versée au Trésor américain et affectée à la promotion du commerce et de l’industrie. Donald Trump avait initialement évoqué un tarif de 5 millions de dollars par carte, avant de le ramener à 1 million de dollars. Ce nouveau niveau est décrit par plusieurs spécialistes de l’immigration par investissement comme plus attractif et plus proche des autres golden visas dans le monde.
Étape 3 : une instruction accélérée vers un visa EB-1 ou EB-2
Le versement déclenche un traitement prioritaire du dossier par les services de l’immigration. Contrairement à une «green card» classique, qui peut nécessiter plusieurs années d’attente, la Gold Card promet une décision en quelques semaines, sauf pour certaines nationalités soumises à de fortes contraintes de quotas, qui pourraient attendre «jusqu’à un an ou plus». Le statut délivré est celui de résident permanent légal, et plusieurs analyses spécialisées indiquent qu’il est rattaché, en pratique, à des catégories proches des visas professionnels de type EB-1 ou EB-2, même si ces références ne figurent pas explicitement dans la communication de la Maison-Blanche.
Pour les entreprises, la Gold Card vient concurrencer, voire remplacer dans les faits, l’ancien visa investisseur EB-5, créé en 1990 mais devenu lent et soumis à de strictes obligations économiques (investissement productif et création d’au moins dix emplois). Le nouveau dispositif ne reprend pas ces exigences de création d’emplois, et aucun quota strict n’est inscrit dans le décret, même si des volumes cibles ont été évoqués publiquement par l’administration. Selon Howard Lutnick, environ 10.000 personnes s’étaient déjà préinscrites avant même l’ouverture officielle, et «des milliards de dollars» devraient être levés.
Étape 4 : la résidence permanente et la voie vers la citoyenneté
Une fois approuvé, le détenteur de la Gold Card reçoit un document équivalent à une «green card », lui donnant le droit de vivre aux États-Unis, d’y travailler, d’y créer ou posséder une entreprise, puis de demander la citoyenneté américaine après la durée légale de résidence. Donald Trump résume la philosophie du programme ainsi : «En gros, c’est une green card, mais en beaucoup mieux. Beaucoup plus puissante, un chemin beaucoup plus solide.»
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Passer la publicitéLe lancement de la Gold Card contraste fortement avec les mesures récentes de l’administration : suspension des demandes d’immigration en provenance de 19 pays soumis au «travel ban», gel des décisions d’asile, réexamen de dizaines de milliers de dossiers approuvés sous Biden, vastes campagnes de déportations dans plusieurs grandes villes américaines. Après la fusillade de Washington impliquant un demandeur d’asile afghan, la Maison-Blanche affirme vouloir renforcer la sécurité tout en attirant «les meilleures personnes», notamment les diplômés étrangers de grandes universités américaines ou des entrepreneurs internationaux. Des élus démocrates et des associations de défense des migrants dénoncent une immigration à deux vitesses, accessible uniquement à ceux capables de payer, et s’interrogent sur la légalité d’un visa créé par décret présidentiel sans intervention du Congrès.
Une «Platinum Card» annoncée : 5 millions de dollars et avantages fiscaux
Le site Trumpcard.gov annonce déjà une seconde version, plus exclusive encore : la Platinum Card. Elle permettrait de séjourner jusqu’à 270 jours par an aux États-Unis, sans imposition sur les revenus étrangers, pour une contribution de 5 millions de dollars, en plus des frais initiaux de 15.000 dollars. Une liste d’attente est déjà ouverte pour la «Platinum Card», accessible via le site officiel.