«Il dessinait pour survivre» : Marianne Mazas perpétue l’œuvre de son compagnon Fred Dewilde, rescapé du Bataclan, un an après son suicide
ENTRETIEN - Plus d’un an après que Fred Dewilde a mis fin à ses jours, sa veuve Marianne Mazas prévoit de rééditer les œuvres graphiques qui lui ont servi d’exutoire après l’attentat - la première paraît ce 12 novembre. Juriste de métier, elle dénonce une prise en charge «inégalitaire» des victimes et appelle l’État à mieux les accompagner.
Marianne Mazas a entamé une histoire d’amour avec Fred Dewilde en 2019, quatre ans après avoir survécu aux attentats du 13 novembre 2015. Ce soir-là, le Parisien de 49 ans passionné de rock est sorti indemne - physiquement - de la fosse du Bataclan où il est resté pendant plus de deux heures à «faire le mort», maculé du sang d’une autre victime qui gisait à quelques centimètres de lui. Quand elle l’a rencontré, Marianne a «embrassé» la vie de Fred «avec ses bagages, son courage, ses colères, ses blagues pourries», mais aussi avec un «intrus» : le traumatisme de l’attentat. Ce poison né ce soir funeste s’est répandu lentement dans l’esprit de Fred Dewilde, l’a submergé, le poussant à mettre fin à ses jours le 5 mai 2024. Avant lui, deux autres rescapés du 13 Novembre se sont suicidés : Guillaume Valette, deux ans après le funeste concert des Eagles of Death Metal au Bataclan, suivi de France-Élodie Besnier qui se trouvait sur la terrasse du Carillon, en novembre 2021.
Pendant cinq ans, Marianne Mazas a partagé la vie de Fred Dewilde et son combat entre «l’appel à la vie et l’appel à l’abîme». Après l’attentat, ce graphiste de métier n’a cessé d’extérioriser sa douleur à travers des dessins aussi travaillés qu’angoissants. Il a regroupé toutes ses œuvres dans cinq ouvrages parus entre 2016 et 2022. Plus d’un an après son décès, Marianne Mazas est déterminée à perpétuer la parole et le travail artistique engagé de son compagnon, respectant le souhait de sa famille. Cela commence par la publication, la veille du 10e anniversaire des attentats, d’une édition - à titre posthume - d’un livre illustré co-écrit avec la thérapeute Armelle Vautrot qui explique par les dessins l’analyse des stigmates du stress post-traumatique. Dans ce nouvel ouvrage intitulé Dessiner l’effroi, Marianne Mazas y signe une postface déchirante.
Au Figaro, elle explique pourquoi il lui était essentiel de poursuivre l’œuvre de Fred Dewilde, sans chercher à se faire le porte-voix de toutes les victimes. Mais en tant qu’ex-directrice juridique d’un grand groupe international, elle entend mettre à profit ses compétences pour obtenir un meilleur accompagnement psychologique, médical et financier des victimes.
LE FIGARO.- À quoi ressemblait votre vie aux côtés de Fred Dewilde et de cet «intrus» qu’est le traumatisme du 13 Novembre ?
Marianne MAZAS.- Comme nous nous sommes rencontrés quatre ans après le drame, je n’ai pas connu…