Un premier geste en direction des forêts. Le président brésilien, Lula, a annoncé la création d'un nouveau fonds pour lutter contre la déforestation, lors de l'ouverture du sommet des dirigeants, jeudi 6 novembre. Ce fonds "sera un des principaux résultats concrets" de la COP30, a déclaré le chef d'Etat, lors de son lancement officiel. Ce mécanisme, appelé Facilité de financement des forêts tropicales (TFFF), était très attendu, à quelques jours de l'ouverture de la conférence des Nations unies sur le changement climatique, qui se déroule à Belém.
Le symbole est fort. Le Brésil a voulu organiser la COP en Amazonie pour attirer l'attention du monde sur la problématique des forêts tropicales, puits de carbone et réservoirs de biodiversité menacés. Et il y a urgence : si la déforestation ralentit à travers le monde, elle reste "trop rapide", selon l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), dans un rapport publié fin octobre. "Les écosystèmes forestiers dans le monde affrontent toujours des difficultés, avec un rythme actuel de déforestation toujours trop élevé, à 10,9 millions d'hectares par an", écrit l'organisation onusienne. Cela équivaut à plus de 12 km2 de forêts détruits chaque heure.
Au Brésil, la situation s'améliore progressivement, avec une diminution de 11% de la déforestation sur un an, selon les derniers chiffres officiels. Une quatrième année de baisse, portée par une politique volontariste de Lula, qui a permis de limiter le déboisement de la forêt amazonienne à 5 796 km2 entre août 2024 et juillet 2025. Mais le défi reste immense avant d'atteindre l'objectif de zéro déforestation d'ici 2030.
De l'argent investi dans des activités peu polluantes rémunératrices
Afin d'améliorer la protection de ces forêts tropicales sur l'ensemble du globe, le Brésil a donc mis sur la table un outil d'un nouveau genre, appelé Facilité de financement des forêts tropicales (TFFF). Présenté par le gouvernement brésilien lors de la COP28 de Dubaï en 2023, il voit enfin le jour à l'ouverture de la COP30. Le fonctionnement de ce fonds est le suivant : l'argent collecté sera investi sur les marchés et les gains serviront à verser chaque année à des pays une somme pour chaque hectare préservé de forêt. Cela doit permettre de rendre plus rentable la préservation des arbres par rapport à leur abattage, particulièrement dans les pays en développement, où se situent la majeure partie des forêts primaires.
Dans un premier temps, le TFFF doit trouver 25 milliards de dollars auprès de gouvernements "sponsors" désireux de renforcer leur image et prêts à assumer les éventuelles pertes initiales. Après ces pionniers, le Brésil espère attirer 100 milliards de dollars supplémentaires d'investisseurs privés, en priorité des fonds de pension et des fonds souverains.
Plus de 70 pays identifiés comme possibles bénéficiaires
Le capital sera ensuite investi dans un "portefeuille diversifié d'obligations de longue durée et bien notées", principalement dans les marchés émergents, afin de financer la transition énergétique. Les profits, après paiement des intérêts aux investisseurs, seront reversés aux pays tropicaux présentant de faibles taux de déforestation, confirmés par observation satellitaire. Plus de 70 pays ont déjà été identifiés comme susceptibles de se partager les bénéfices, comme le Ghana, la Colombie ou la République démocratique du Congo.
Selon les estimations, citées par le groupe de recherches Zero Carbon Analytics, ce fonds vise un rendement moyen de 5,5% sur vingt ans, soit 3,4 milliards de dollars de liquidités par an. De quoi tripler le financement international non remboursable alloué aux forêts, d'après les porteurs du projet (PDF). "C'est une approche concrète et durable pour dépasser la dépendance aux subventions et impliquer l'ensemble des acteurs économiques", affirme le WWF, qui a participé à son élaboration.
Un fonds qui "nécessite encore des ajustements techniques"
De nombreux défis restent cependant à relever pour rendre cet outil pleinement opérationnel. Si la Banque mondiale a donné son feu vert, plusieurs pays, dont la France, estiment que le mécanisme n'est pas encore complètement rodé. "L'initiative est très intéressante, mais elle nécessite encore des ajustements techniques", glisse-t-on au ministère de la Transition écologique. La France ne devrait donc pas abonder tout de suite ce fonds, rejoignant ainsi le Royaume-Uni, qui fait également preuve de réserve. Des diplomates s'interrogent notamment sur les procédures de contrôle du fonds et sa capacité à décrocher une notation de crédit élevée, requise pour attirer les investisseurs.
Du côté des ONG, la volonté brésilienne de mettre les forêts au cœur de la COP est largement saluée. Mais ce nouveau fonds divise. La Global Forest Coalition estime que ce fonds est une "fausse solution" et dénonce un "capitalisme vert" et des carences techniques. En France, six ONG, dont Greenpeace et Envol vert, réclament, en priorité, la mise en place d'un plan politique clair pour mettre fin à la déforestation d'ici 2030 avec "des engagements concrets, mesurables et financés", au-delà du TFFF. Malgré les réticences, ce nouveau fonds "vaut mieux que d'attendre la solution parfaite", nuance de son côté Mauricio Voivodic, directeur du WWF Brésil. "Il n'y a pas de solution miracle."