Le pavillon est en travaux. Ils font l’amour dans le camion garé à côté. Jimmy est chauffeur routier. Karine travaille dans une pâtisserie industrielle. C’est bientôt Noël. Après, il y aura les galettes des Rois. En blouse blanche, une charlotte rouge sur la tête, elle ne chôme pas. Lui a du mal à joindre les deux bouts. Les dettes s’accumulent. Cela nécessite des heures supplémentaires, du sommeil en moins. Leur mariage tient depuis vingt ans. Il tient aussi du miracle. Ils ont deux enfants. La fille est judoka. Il faut assister aux compétitions.
En France, la révolte gronde. Le prix du gazole a augmenté. On connaît la suite. 2018, c’est si loin déjà. Karine s’enflamme, enfile un gilet jaune. Chaque week-end, elle se rend sur les ronds-points. Il continue à rouler sur des nationales, discute avec ses employeurs, veut sauver son job quitte à tricher un peu avec la légalité. Elle n’est pas d’accord. Quelqu’un le surnomme « le De Niro du patronat ». Ils communiquent sur tout par téléphone. Il n’est jamais là. La faute à ce sale capitalisme. Curieuse de tout, dévorée d’espoir, elle rêve. Entre eux, le fossé se creuse. À quoi ça tient, un groupe Facebook, des braseros, de la solidarité, et un couple se délite. Dialogue de sourds.
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Passer la publicitéNaïf et raisonneur
« Je me bats pour mon pays. » « Tu te prends pour Jeanne d’Arc ? » Ils ne se comprennent plus. Les disputes succèdent aux malentendus. Elle y croit. Il doute. Pour elle, entre deux manifestations, il s’agit de « rendre le monde moins con ». Vaste programme. Il est plus sceptique. La réalité le rattrape - les fins de mois, le découvert à la banque, les siestes sur les aires de repos. Le film est bien naïf et raisonneur. Thomas Kruithof avait été plus inspiré dans Les Promesses, qui traitait aussi de politique, mais avec davantage d’efficacité. Sur un sujet voisin, on préférera encore La Fracture de Catherine Corsini.
Un samedi, aux alentours des Champs-Élysées, Karine et Jimmy se perdent dans les charges de CRS. « On est là ! », chante-t-elle. Il n’entend pas les mêmes paroles. Vaillants petits soldats de la cause, Virginie Efira, les yeux rouges à cause des gaz lacrymogènes, et Arieh Worthalter, mal rasé, un début de tonsure sur le crâne, incarnent ces oubliés de la classe moyenne. La lutte est à ce prix, camarade. Les Braises roule à son train, plan-plan, pas plus de 80 km/h. Quant au titre, les littéraires se souviendront qu’il s’agit d’un beau roman de Sandor Marai. De quoi se mêlent-ils, ceux-là ? Si on ne peut plus protester tranquillement contre Macron, maintenant…