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Des côtes ensoleillées de Caroline du Sud aux collines boisées des Appalaches (États-Unis), le retour de Donald Trump a bousculé l'Amérique. Un an après sa réélection, quel est le sentiment prédominant chez celles et ceux qui l'ont ramené au pouvoir ? L'euphorie, le doute, ou la déception ? Nous avons pris la route pour sonder les électeurs qui ont voulu cette Amérique "Made in Trump".
Dans la station balnéaire de Myrtle Beach, le long de la voie rapide, son enseigne passe difficilement inaperçue. Nous avons rendez-vous dans une boutique de produits à l'effigie du président, la plus grande du pays. "C'est un peu Trumpland, c'est vrai, et on en est très contents. On fait ça depuis un moment maintenant, depuis 2016", nous explique Richard Kligman, le patron du commerce. Ici, tout ou presque se décline en version Trump ; des objets les plus classiques aux plus insolites. Un nain de jardin, des chaussons, une sauce piquante ou encore un automate. Richard Kligman essaie de rebondir sur chaque actualité, y compris l'idée que Donald Trump pourrait se représenter en 2028, même si la Constitution l'interdit. "Qu'il décide d'être candidat ou pas n'a pas d'importance pour les clients. Ils aiment juste le fait que ça provoque le camp d'en face", assure-t-il.
Et les clients viennent parfois de loin, comme un couple de Californiens. "Il y a tellement de choix, je les veux tous", jubile l'épouse. Ils ont voté Trump aux trois dernières élections et le portent jusque dans leur peau. "On est fans depuis le premier mandat", assure encore la cliente, qui nous montre son tatouage au bras : "45, comme le 45e président. Il faut que j'ajoute le 47. Je suis une ancienne militaire, avec Trump, l'uniforme est à nouveau respecté dans ce pays et notre frontière est plus sûre", développe-t-elle. Et son conjoint d'ajouter : "Je suis content qu'il fasse arrêter et expulser beaucoup d'indésirables dans ce pays."
Des milieux ruraux confiants malgré les aléas
Nous quittons le bord de mer pour les couleurs automnales de Virginie-Occidentale. Le comté de MacDowell fait partie des plus pauvres du pays. Les habitants y ont voté à 80 % pour Donald Trump. Nous traversons une zone sinistrée. Un magasin fermé, un cabinet médical fermé, un restaurant fermé… Il ne reste plus beaucoup de vie dans ces petites villes du bassin minier. Longtemps prospère, la ville de War s'est lentement transformée en cité fantôme, qui vit toujours de ce qu'il reste des mines de charbon. Nous y descendons, au petit matin, avec les travailleurs. Ici, des dizaines de personnes œuvrent à extraire le combustible.
John Paul Haggerman y travaille depuis 16 ans, le cœur plus léger, dit-il, depuis le retour de Donald Trump : "Trump essaie de faire en sorte que l'Amérique ne dépende que d'elle-même, alors que beaucoup de mines de charbon avaient fermé quand Obama était président", estime-t-il. Donald Trump vient de signer un décret pour relancer l'exploitation du charbon. Même s'il faudra attendre des années pour en voir l'impact ici, tout le monde espère un redécollage économique.
Pourtant, les promesses de grandeur économique doivent, par endroits, patienter. Dans une exploitation familiale du Tennessee, on produit du bois brut pour le marché américain, mais aussi pour l'international. "Ces troncs serviront à faire des parquets, des meubles ou des plans de travail", indique Claire Getty. Ici, la guerre commerciale initiée par Donald Trump a eu un effet net. Les clients chinois ont immédiatement annulé ou reporté leurs commandes. La patronne ne regrette pas d'avoir voté Trump, dit-elle, même si elle reconnaît que la stratégie du président génère de l'incertitude. "À chaque annonce, on prend une grande inspiration et on réfléchit une minute pour se dire qu'on ne change rien, car dans les 48 heures qui suivent, on sait que ça peut s'inverser. On reste malgré tout confiants sur le fait qu'à long terme, cette politique permettra de ramener des usines aux États-Unis", estime Claire Getty.
Un Floridien regrette son choix
Cet espoir de jours meilleurs, certains électeurs y ont vite renoncé. En Floride, David Pasquino a lui aussi voté Trump, mais il envisage désormais de s'installer à l'étranger. Lorsque nous l'avions rencontré, il y a six mois, son emploi au ministère des Anciens Combattants était menacé. Depuis, il a été licencié, victime des coupes drastiques voulues par l'administration, et a dû prendre un nouveau boulot. "Je suis passé d'un uniforme à un autre", explique-t-il. Pour cet ancien soldat gravement blessé en Irak, la colère grandit chaque jour, notamment face au déploiement de l'armée dans certaines grandes villes du pays. "Ce n'est pas l'Amérique pour laquelle j'ai versé mon sang et perdu des frères d'armes et de la famille. Ce n'est pas bien ce qu'il se passe en ce moment. C'est un kidnapping du pays. Mon fils est aussi dans l'armée et je suis terrifié à l'idée de ce qu'on pourrait lui demander de faire ici, en Amérique", témoigne David Pasquino.
Rares restent ceux qui, comme lui, regrettent ouvertement leur choix. Le plus souvent, la base électorale de Donald Trump se satisfait de l'électrochoc permanent proposé par le président, un an après avoir obtenu la confiance d'une majorité d'Américains.