Ce que l'on sait de la mort de Mathis, renversé à Lille par un chauffard en refus d'obtempérer qui avait consommé du protoxyde d'azote

Un nouveau drame impliquant un refus d'obtempérer et du "gaz hilarant". Mathis, un jeune homme de 19 ans, est mort samedi 1er novembre tôt dans la matinée à Lille (Nord), après avoir été percuté par la voiture d'un conducteur qui fuyait un contrôle de police. "Des bouteilles de protoxyde d'azote ont été trouvées dans le véhicule" du suspect, mis en examen dimanche pour homicide routier avec trois circonstances aggravantes, a déclaré le procureur de la République de Lille. Franceinfo vous résume ce que l'on sait de cette affaire.

Un accident mortel avec refus d'obtempérer dans le centre-ville de Lille

L'accident mortel est survenu peu avant 5 heures du matin, samedi, en plein centre-ville de Lille, sur le boulevard de la Liberté. Mathis rentrait d'une soirée avec ses amis. Des images partielles du drame, filmées par un témoin et diffusées sur TikTok, montrent une voiture sombre filant en direction du boulevard Vauban à l'angle de la place Richebé, raconte France 3 Hauts-de-France.

Le choc n'est pas visible sur les images, mais la voiture a percuté Mathis alors qu'il traversait sur un passage clouté au feu piétons vert. "Percuté par un véhicule qui roulait à vive allure", il est "décédé sur le coup avant l'arrivée des pompiers", détaille Samuel Finielz, procureur de Lille, dans un communiqué.

Le mis en cause est accusé d'avoir refusé d'obtempérer à un contrôle de police. "Il a refusé de s'arrêter purement et simplement à deux reprises avant de percuter extrêmement violemment le jeune Mathis à pleine vitesse", a décrit lundi le ministre de l'Intérieur, Laurent Nuñez. "Dès que le fonctionnaire de police s'est approché du véhicule et a décliné sa qualité pour contrôler le véhicule, il a fortement accéléré et pris la fuite en direction du boulevard de la Liberté où un autre véhicule de police arrivait dans le secteur. Il a immédiatement fait demi-tour pour accélérer très fort", relate auprès de France 3 Hauts-de-France Benoît Aristidou, secrétaire départemental du syndicat de police Un1té 59.

Un suspect "connu pour des délits routiers" et qui avait consommé du protoxyde d'azote

"Quelques mètres après l'accident, le mis en cause s'est arrêté et a tenté de prendre la fuite à pied avant d'être interpellé", poursuit le procureur de Lille. Le suspect, un homme âgé de 31 ans "connu pour des délits routiers", a été mis en examen dimanche pour homicide routier avec trois circonstances aggravantes : violation manifestement délibérée d'une obligation de sécurité et de prudence, délit de fuite et refus d'obtempérer.

"On a affaire à quelqu'un qui est né en 1994, qui est très défavorablement connu de nos services, notamment aussi pour des délais routiers et qui était, au moment des faits, en interdiction de conduire un véhicule puisque, effectivement, son permis n'était pas valide", détaille auprès de France 3 Hauts-de-France Benoît Aristidou. "Lors de la garde à vue, l'intéressé n'a pas reconnu les faits" et a contesté avoir conduit le véhicule, note Samuel Finielz.

"Les premiers éléments d'investigation indiquent que le dépistage alcoolique était négatif", mais "des bouteilles de protoxyde d'azote ont été trouvées dans le véhicule", annonce également le magistrat, qui précise que l'enquête permet pour l'heure d'établir "une consommation de protoxyde d'azote contemporaine de la conduite du véhicule". Benoît Aristidou explique auprès de France 3 : "Une de nos patrouilles a décidé de contrôler un conducteur qui semblait inhaler un gaz de type protoxyde d'azote à l'aide d'un ballon de baudruche. Le véhicule était bloqué dans la circulation à ce moment-là."

Le protoxyde d'azote, utilisé en chirurgie ou pour préparer de la chantilly, est surnommé "proto " ou "gaz hilarant" en raison de ses effets euphorisants lorsqu'il est inhalé. Mais il peut aussi provoquer des nausées, troubles de la vision, pertes de connaissance, voire avoir des conséquences bien plus graves comme des neuropathies.

Une victime de 19 ans "qui avait toujours le sourire" et venait de trouver un petit boulot à Lille

Mathis allait avoir 20 ans le 5 novembre, selon La Voix du Nord. Le jeune homme, d'origine haïtienne, a été adopté à l'âge de 16 mois, confie son père adoptif, Emmanuel, au quotidien régional. "C'était quelqu'un de très enjoué, qui avait toujours le sourire, quelqu'un de solaire", ajoute Emmanuel (aujourd'hui séparé de la mère adoptive, Laetitia). "Il n'aimait pas l'école mais il était très intelligent", poursuit Emmanuel, ajoutant que Mathis avait "arrêté sa scolarité à trois mois du bac" mais avait depuis entrepris de repasser l'examen en candidat libre, et s'était rendu à Lille pour chercher des petits boulots.

"Ne plus entendre sa voix, ne plus voir ses pitreries, c'est ça qui va être dur", raconte sur RTL Laetitia, la mère adoptive du jeune homme de 19 ans. Elle décrit auprès de BFMTV un enfant "doué" qui "adorait apprendre" et qui "venait de prendre son indépendance". "Je voyais l'accident sans l'avoir vécu, je me suis imaginé ce que lui a pu ressentir", relate Laetitia.

"Il aimait bien raconter des blagues, faire rire. C'était devenu un homme dans la famille, c'était le plus grand des cousins. C'était quelqu'un de bien", relate son oncle adoptif, très ému, à France 3 Hauts-de-France. "La vie venait de commencer" pour lui, ajoute le quadragénaire, qui explique que Mathis "venait d'emménager avec des copains (...) en colocation" et de trouver un travail dans un fast-food.

Des appels à davantage de fermeté contre les refus d'obtempérer et le "gaz hilarant"

Les parents adoptifs de Mathis appellent à des mesures plus sévères contre les refus d'obtempérer. "Il y a trop de laxisme de la justice" et "il y a eu des failles", estime Laetitia, qui déclare que le conducteur mis en examen "en était à son 16e ou 17e délit" et se demande "pourquoi il était en liberté". "On ne peut pas laisser passer ce genre de comportement", appuie Emmanuel, pour qui les policiers "faisaient leur travail" en poursuivant l'automobiliste.

Le ministre de l'Intérieur, Laurent Nuñez, en visite dans le Nord, a déploré un drame "intolérable". "Nous ne baisserons pas la garde, on ne laissera rien passer sur le refus d'obtempérer", a ajouté le ministre. Il affirme avoir donné l'instruction de "poursuivre les véhicules" et d'interpeller les conducteurs lors de refus d'obtempérer – des délits "en augmentation" depuis le début de l'année, d'après le ministre.

"Ces drames insupportables et récurrents qui plongent des familles dans une douleur insondable doivent connaître une réponse pénale implacable", a écrit sur X Marine Le Pen, qui adresse "[ses] pensées et [ses] condoléances" aux proches de Mathis.

"J'exprime toute ma solidarité et mon soutien" aux proches de Mathis, a également écrit sur le même réseau social Ugo Bernalicis, député La France insoumise du Nord. L'élu assure avoir été "parmi les premiers à alerter sur la nécessité d'une véritable politique de prévention en matière de consommation, dotée de moyens à la hauteur des enjeux".

"Nous luttons contre le trafic de bonbonnes" de protoxyde d'azote mais "il faudra à un moment s'interroger sur une modification des règles législatives sur la vente de ce type de produits", a souligné Laurent Nuñez. Deux propositions de loi, déposées respectivement à l'Assemblée nationale et au Sénat, ont été adoptées pour interdire sa vente aux particuliers ou renforcer la lutte contre les usages détournés de ce gaz. Mais aucune n'est encore passée devant l'autre chambre du Parlement pour adoption définitive.