Deux plans, mais peu de différences. L’Allemagne, la France et le Royaume-Uni ont rendu public leur version d’un plan de paix, dévoilé par Reuters dimanche. Il se fonde sur celui de Donald Trump, annoncé la semaine dernière. Le président américain avait fait savoir ce week-end que «ce n’est pas [s]on offre finale», mais qu’il aimerait «parvenir à la paix. Cela aurait dû se produire il y a longtemps». La version européenne comprend elle aussi vingt-huit points. Pour l’heure, le plan américain comporte plusieurs demandes inacceptables pour l’Ukraine.
Les puissances européennes rejettent d’abord la proposition américaine de limiter la taille de l’armée ukrainienne à 600.000 soldats et veulent l’augmenter à 800.000, soit sa taille actuelle, selon plusieurs experts. Une modification importante, puisque les deux plans insistent pour ne pas stationner de troupes de l’Otan sur le territoire ukrainien. En sus, Vladimir Poutine avait demandé la «démilitarisation de l’Ukraine», jusqu’à présent rejetée - au moins officiellement - par Kiev.
Passer la publicitéAdopter les règles de l’UE pour protéger les minorités religieuses et linguistiques
Donald Trump, voulant se débarrasser de ce conflit en Europe pour se concentrer sur la concurrence chinoise dans le Pacifique, demandait une présence d’avions européens en Pologne pour dissuader la Russie, les Européens préféreraient un stationnement d’avions de l’Otan, et donc Américains ou Canadiens. Une manière d’impliquer plus directement les États-Unis qui déploient aujourd’hui environ 90.000 militaires dans trente-sept bases.
Pour reconstruire l’Ukraine, dévasté par dix ans de guerre avec la Russie, et trois ans d’invasion à grande échelle, les Européens veulent utiliser les près de 230 milliards d’avoirs russes gelés, tant que Moscou n’a pas offert de compensation financière. Washington voudrait, de son côté, créer un fonds abondé par 100 milliards d’avoirs gelés et par 100 milliards d’euros investis par les Européens. Les Américains demandent également un reversement de 50% des bénéfices.
Au vingtième point, il est attendu que l’Ukraine «adopte les règles de l’UE en matière de tolérance religieuse et de protection des minorités linguistiques». Moscou assure, pour justifier son invasion, que les minorités russophones sont persécutées, ainsi que les Églises orthodoxes liées au Patriarcat de Moscou. Depuis l’invasion, l’Église orthodoxe ukrainienne est divisée entre une Église autocéphale - c’est-à-dire indépendante et ne relevant que du Patriarcat de Constantinople, et une autre liée au Patriarcat de Moscou, soupçonnée de servir les intérêts du Kremlin. La pratique du russe a par ailleurs drastiquement baissé tant dans l’espace public que dans les médias, depuis 2022. Si les Américains demandent l’application des règles européennes, ils ajoutent aussi l’interdiction de «toute idéologie et activité nazie», un élément récurrent de la propagande russe.
Les négociations territoriales
Enfin, les différences les plus importantes demeurent les concessions territoriales aux Russes. En près de dix ans de guerre, Moscou a conquis environ 20% du territoire ukrainiens. Washington demande à Kiev de se retirer du Donbass (un territoire industriel de l’Est), et d’entériner l’annexion de ceux-ci ainsi que de la Crimée. En revanche, les oblasts (régions, NDLR) de Zaporijjia et de Kherson seront «seront gelées le long de la ligne de contact, ce qui équivaudra à une reconnaissance de facto le long de cette ligne». Pour les Européens, «les échanges débuteront le long de la ligne de contact». En clair, l’armée ukrainienne ne serait pas obligée de se retirer de territoires toujours en sa possession et pour laquelle elle a consenti à d’importants sacrifices humains. Cet aspect est essentiel tant il est inflammable en Ukraine.
Ensuite, Donald Trump demande des élections «100 jours» après un éventuel accord, donnant quitus à Vladimir Poutine qui assure que Volodymyr Zelensky est illégitime. Or la constitution ukrainienne interdit la tenue de telles élections tant que le conflit se poursuit. Pour les Européens, des élections doivent bien se tenir, mais «dès que possible», laissant ainsi une marge pour mettre en place l’accord et affronter d’inévitables tensions liées à cette application. Enfin, le président américain demande l’amnistie des protagonistes, et donc de Vladimir Poutine sous le coup d’un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale.
Passer la publicitéLes Européens demandent également, comme les Américains, la mise en place d’un cessez-le-feu «une fois que toutes les parties auront accepté ce mémorandum». Jusqu’à présent, les Européens, et notamment Emmanuel Macron, demandait d’abord un «cessez-le-feu inconditionnel» comme préalable à la négociation. Las, la pression américaine a eu raison de leurs spécificités.
Le plan européen dévoilé par Reuters
1 — La souveraineté de l’Ukraine sera réaffirmée.
2 — Un accord de non-agression total et complet sera conclu entre la Russie, l’Ukraine et l’OTAN. Toutes les ambiguïtés des 30 dernières années seront résolues.
3 — Non dévoilé par Reuters.
4 — Après la signature d’un accord de paix, un dialogue entre la Russie et l’OTAN sera engagé pour traiter toutes les questions de sécurité et créer un environnement propice à la désescalade afin de garantir la sécurité mondiale et d’accroître les possibilités de connectivité et de développement économique.
Passer la publicité5 — L’Ukraine bénéficiera de garanties de sécurité solides.
6 — La taille de l’armée ukrainienne sera plafonnée à 800.000 militaires en temps de paix.
7 — L’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN dépend du consensus des membres de l’OTAN, qui n’existe pas.
8 — L’OTAN s’engage à ne pas stationner de manière permanente des troupes placées sous son commandement en Ukraine en temps de paix.
9 — Des avions de chasse de l’OTAN seront stationnés en Pologne.
10 — Garantie américaine similaire à l’article 5
a. Les États-Unis recevront une compensation pour cette garantie.
b. Si l’Ukraine envahit la Russie, elle perdra la garantie.
c. Si la Russie envahit l’Ukraine, outre une réponse militaire coordonnée et robuste, toutes les sanctions internationales seront rétablies et toute reconnaissance du nouveau territoire ainsi que tous les autres avantages découlant de cet accord seront retirés.
11 — L’Ukraine est éligible à l’adhésion à l’Union européenne et bénéficiera d’un accès préférentiel à court terme au marché européen pendant que sa candidature est évaluée.
12 — Un programme mondial robuste de reconstruction de l’Ukraine, comprenant notamment :
a. La création d’un fonds de développement de l’Ukraine pour investir dans les industries à forte croissance, notamment la technologie, les centres de données et l’’intelligence artificielle
b. Les États-Unis s’associeront à l’Ukraine pour restaurer, développer, moderniser et exploiter conjointement les infrastructures gazières ukrainiennes, notamment ses pipelines et ses installations de stockage
c. Un effort conjoint de reconstruction et modernisation des zones touchées par la guerre, des villes et zones résidentielles.
d. Le développement des infrastructures.
e. L’extraction des minerais et ressources naturelles.
f. Un programme de financement mis en place par la Banque mondiale pour accélérer ces efforts.
13 — Réintégration progressive de la Russie dans l’économie mondiale
a. L’allègement des sanctions sera discuté et convenu par étapes et au cas par cas.
b. Les États-Unis concluront un accord de coopération économique à long terme afin de poursuivre le développement mutuel dans les domaines de l’énergie, des ressources naturelles, des infrastructures, de l’IA, des centres de données, des terres rares, des projets communs dans l’Arctique, ainsi que diverses autres opportunités commerciales mutuellement avantageuses.
c. La Russie sera invitée à réintégrer le G8.
14 — L’Ukraine sera entièrement reconstruite et indemnisée financièrement, notamment grâce aux actifs souverains russes qui resteront gelés jusqu’à ce que la Russie indemnise l’Ukraine pour les dommages causés.
15 — Un groupe de travail conjoint sur la sécurité sera créé avec la participation des États-Unis, de l’Ukraine, de la Russie et des Européens afin de promouvoir et de faire respecter toutes les dispositions de cet accord.
16 — La Russie inscrira dans la loi une politique de non-agression envers l’Europe et l’Ukraine.
17 — Les États-Unis et la Russie conviennent de prolonger les traités de non-prolifération et de contrôle nucléaire, y compris Fair Start.
18 — L’Ukraine accepte de rester un État non nucléaire au titre du TNP.
19 — La centrale nucléaire de Zaporijia sera remise en service sous la supervision de l’AIEA, et l’électricité produite sera partagée équitablement (50-50) entre la Russie et l’Ukraine.
20 — L’Ukraine adoptera les règles de l’Union européenne en matière de tolérance religieuse et de protection des minorités linguistiques.
21— Territoires
L’Ukraine s’engage à ne pas récupérer militairement les territoires souverains occupés. Les négociations sur les échanges territoriaux commenceront à partir de la ligne de contact.
22 — Une fois que les futurs accords territoriaux auront été conclus, la Russie et l’Ukraine s’engagent à ne pas modifier ces accords par la force. Aucune garantie de sécurité ne s’appliquera en cas de violation de cette obligation.
23 — La Russie n’entravera pas l’utilisation du Dniepr par l’Ukraine à des fins commerciales, et des accords seront conclus pour permettre le libre transport des céréales par la mer Noire.
24 — Un comité humanitaire sera créé pour résoudre les questions en suspens :
a. Tous les prisonniers et corps restants seront échangés selon le principe « Tous contre tous »
b. Tous les détenus civils et otages seront libérés, y compris les enfants
c. Un programme de réunification familiale sera mis en place
d. Des dispositions seront prises pour répondre aux souffrances des victimes du conflit
25 — L’Ukraine organisera des élections dès que possible après la signature de l’accord de paix.
26 — Des dispositions seront prises pour soulager les souffrances des victimes du conflit.
27 — Cet accord sera juridiquement contraignant. Sa mise en œuvre sera supervisée et garantie par un Conseil de paix, présidé par le président Donald J. Trump. Des sanctions seront prévues en cas de violation.
28 — Une fois que toutes les parties auront accepté ce mémorandum, un cessez-le-feu entrera immédiatement en vigueur dès que les deux parties se seront retirées aux points convenus pour que la mise en œuvre de l’accord puisse commencer. Les modalités du cessez-le-feu, y compris le contrôle, seront convenues par les deux parties sous la supervision des États-Unis.