Six toiles à ne pas manquer dans l'exposition de la collection Antoine Béal à Orléans

Le musée d'Orléans a ouvert ses portes en 1825, il y a tout juste deux siècles, grâce à la générosité de nombreux donateurs. Ils avaient répondu à l'appel du comte de Bizemont pour constituer une collection et bâtir un grand espace d'exposition dans cette ville du Loiret. Depuis, les dons n'ont jamais cessé.

Antoine Béal, collectionneur parisien bien connu des spécialistes et des marchands d'art, s'inscrit dans cette longue histoire. Cet homme généreux a déjà offert trois toiles au musée, dans cette ville où Marcel Proust, écrivain qu'il vénère, a fait son service militaire. L'exposition consacrée jusqu'au 29 mars 2026 à sa collection par le musée des Beaux-Arts s'intitule L'art de transmettre. Parmi la soixantaine d'œuvres présentées, nous avons choisi six tableaux marquants pour lesquels ce grand passionné, ancien juge administratif, dit avoir eu "un coup de foudre".

1"Le Jeune Gaston Phoebus, dit L'Ange de Foix" de Claudius Jacquand

Claudius Jacquand, "Le Jeune Gaston, dit L'Ange de Foix", 1838, huile sur toile, 162x205 cm, Paris, musée du Louvre (don sous réserve d’usufruit). (GRAND PALAIS RMN MUSÉE DU LOUVRE MICHEL URTADO 2013)
Claudius Jacquand, "Le Jeune Gaston, dit L'Ange de Foix", 1838, huile sur toile, 162x205 cm, Paris, musée du Louvre (don sous réserve d’usufruit). (GRAND PALAIS RMN MUSÉE DU LOUVRE MICHEL URTADO 2013)

Antoine Béal admire plus que tout autre le peintre Paul Delaroche dont le Lyonnais Claudius Jacquand est un héritier. Cette huile sur toile de grande taille, présentée au Salon de 1838, représente le jeune Gaston, fils du comte de Foix, dit Phoebus, et d'Agnès de Navarre, répudiée peu de temps après sa naissance. Tenu à l'écart par son père, il participa en 1830 à un complot ourdi par son oncle, Charles II de Navarre, et tenta de l'empoisonner. Démasqué et emprisonné au château de Moncade, à Orthez, le jeune homme de 18 ans refusa de donner les noms de ses complices et fut probablement assassiné par son propre géniteur. Le peintre lui donne les traits d'un adolescent affaibli, refusant le repas qu'on lui apporte. "Je crois que c'est l'un des grands chefs-d'œuvre de Jacquand", s'enorgueillit Antoine Béal. Il a offert cette toile phare du romantisme français au musée du Louvre en 2008, sous réserve d'usufruit et la prête régulièrement pour des expositions. Ce dispositif légal permet de donner juridiquement une œuvre de son vivant tout en la conservant par-devers soi jusqu'à la date de son choix.

2 "La Résurrection de Lazare" de Thomas Blanchet

Thomas Blanchet, "La Résurrection de Lazare", 1655, huile sur toile, 122x142 cm, Lyon, musée des Beaux-Arts (don sous réserve d’usufruit). (COLLECTION ANTOINE BEAL)
Thomas Blanchet, "La Résurrection de Lazare", 1655, huile sur toile, 122x142 cm, Lyon, musée des Beaux-Arts (don sous réserve d’usufruit). (COLLECTION ANTOINE BEAL)

Antoine Béal a formé son goût pour la peinture ancienne dès l'enfance. Ses parents, "des bourgeois installés près du Touquet" dit-il, l'emmenaient souvent au musée. Il a par la suite eu la chance de découvrir, dans les années 1980, les expositions initiées au Louvre par Pierre Rosenberg, conservateur des peintures françaises, qui ont conforté son penchant pour les XVIIe et XVIIIe siècles. "L'inspiration antique, c'est totalement mon goût", admet-il, en citant Nicolas Mignard, Jacques Stella et Louis de Boullogne. Il a acheté ce tableau de Thomas Blanchet, autre représentant de la peinture d'histoire, en 2017 et possède également une gravure prouvant que la toile a été réduite des deux côtés. Le Christ, vêtu d'une toge bleue dont le drapé rappelle l'art romain, figure au centre exact de l'œuvre et concentre l'attention. La composition, très équilibrée, est animée par les différentes attitudes des personnages disposés en frise autour de lui. Afin de ramener Lazare à la vie, Jésus dirige vers lui trois doigts évoquant la Trinité, tandis que de sa main gauche, il apaise les femmes. Tel un metteur en scène, le peintre procède à une subtile distribution des rôles autour de son personnage principal. Antoine Béal aime ce style "extrêmement léché, clair, avec de très belles couleurs". "Il dégage un sentiment de calme et d'apaisement auquel je suis très sensible", ajoute-t-il. Le collectionneur vient d'offrir ce tableau, sous réserve d'usufruit, au musée des Beaux-Arts de Lyon.

3 "L'Obole de la veuve" de François-Joseph Navez

François-Joseph Navez, "L'Obole de la veuve", 1840, huile sur toile, 167x233 cm, Paris, collection Antoine Béal. (MUSEE DES BEAUX-ARTS D'ORLEANS)
François-Joseph Navez, "L'Obole de la veuve", 1840, huile sur toile, 167x233 cm, Paris, collection Antoine Béal. (MUSEE DES BEAUX-ARTS D'ORLEANS)

Quand il a découvert cette immense toile inspirée de l'Évangile signée par Navez, un élève de David, au vernissage du salon Paris-Tableau, Antoine Béal n'a hésité que quelques secondes avant de la réserver, de peur qu'elle lui échappe. C'est le tableau le plus monumental présenté dans l'exposition orléanaise. Il occupe tout un pan de son appartement parisien. "Je n'enchéris jamais contre un musée", affirme le collectionneur. S'il apprend que tel ou tel établissement convoite une pièce vendue aux enchères, il se retire ou fait en sorte, s'il en a les moyens, d'offrir au musée le tableau manquant à sa collection. Ce qui est arrivé pour cette toile... Antoine Béal a versé une énorme obole, déboursant près de 150 000 euros pour l'acquérir et l'offrir, sous réserve d'usufruit, au musée d'Orléans.

4 "Entretien de Jésus avec la Samaritaine" de Théodore Caruelle d'Aligny

Théodore Caruelle d’Aligny, "Entretien de Jésus avec la Samaritaine", 1837, huile sur toile, 72x83,7 cm, Paris, Collection Antoine Béal. (JEAN-LOUIS LOSI PARIS)
Théodore Caruelle d’Aligny, "Entretien de Jésus avec la Samaritaine", 1837, huile sur toile, 72x83,7 cm, Paris, Collection Antoine Béal. (JEAN-LOUIS LOSI PARIS)

Antoine Béal explique avoir revendu tous ses dessins et une grande partie des paysages de sa collection. Il en subsiste quelques-uns présentés dans l'exposition. Ce tableau lumineux et coloré du peintre français Caruelle d'Aligny est son préféré. Il lui rappelle peut-être l'un de ses nombreux voyages en Italie. Le paysage historique est au tournant du XIXe siècle un genre en plein essor. Pour les peintres, le voyage en Italie devient un "must". Caruelle d'Aligny s'inspire du village de Capri pour représenter un Orient imaginaire où il ne s'est jamais rendu. Il situe dans ce décor méditerranéen la rencontre, au bord d'un puits, du Christ avec une femme de Samarie, la Samaritaine (au premier plan, à gauche). Elle lui offre de l'eau pour se désaltérer en dépit de l'hostilité entre leurs deux peuples. Antoine Béal a fait des recherches et a découvert que ce tableau avait été acheté directement à l'artiste lors du Salon de 1837 par Ferdinand-Philippe duc d'Orléans. Le monde est tout petit.

5 "Portrait de Domenico Antonio, dit aussi Un Jeune Italien" d'Henri Lehmann

Henri Lehmann, "Portrait de Domenico Antonio, dit aussi Un Jeune Italien", 1863, huile sur toile, 117x89 cm, Paris. (COLLECTION ANTOINE BEAL)
Henri Lehmann, "Portrait de Domenico Antonio, dit aussi Un Jeune Italien", 1863, huile sur toile, 117x89 cm, Paris. (COLLECTION ANTOINE BEAL)

Il y a plusieurs toiles d'Henry Lehmann, autre "chouchou" d'Antoine Béal dans l'exposition. Celle-ci est la plus belle avec l'Étude pour sainte Catherine d'Alexandrie portée au tombeau datée de 1839. "La texture de la peau, le chapeau, le gilet, c'est une merveille", s'enthousiasme le collectionneur. À proximité est exposée une toile de Victor Schnetz représentant un couple d'Italiens dont il n'a pas voulu. Un jour, alors qu'il était en audience et par conséquent injoignable, son ami Georges Fieux a cru bien faire en l'achetant pour lui aux enchères, sachant qu'il cherchait depuis longtemps une œuvre de ce peintre, ami de Géricault. Mal lui en a pris, car à son retour du tribunal, Antoine Béal a jugé l'œuvre "trop sucrée" et l'a laissée à son propriétaire légitime.

6 "L'Enlèvement de Proserpine" de Nicolas Mignard

Nicolas Mignard, dit Mignard d’Avignon, "L’Enlèvement de Proserpine", 1651, huile sur toile, 116x141 cm, Paris, musée du Louvre (don d'Antoine Béal sous réserve d’usufruit). (MUSÉE DU LOUVRE DIST. GRAND PALAIS RMN / HARRY BREJAT)
Nicolas Mignard, dit Mignard d’Avignon, "L’Enlèvement de Proserpine", 1651, huile sur toile, 116x141 cm, Paris, musée du Louvre (don d'Antoine Béal sous réserve d’usufruit). (MUSÉE DU LOUVRE DIST. GRAND PALAIS RMN / HARRY BREJAT)

Antoine Béal a acheté cette toile à Paris en 2012 et l'a offerte au musée du Louvre sous réserve d'usufruit l'année suivante pour combler une lacune. Le grand musée parisien ne possédait en effet aucune œuvre de Nicolas Mignard, surnommé Mignard d'Avignon, dans ses collections, ce qu'il jugeait anormal. Ce tableau peint en 1651, dans la dernière décennie de sa carrière avignonnaise, est dans un très bel état de conservation. Il représente le rapt de la fille de Cérès par le dieu des enfers Pluton. Antoine Béal ne revend plus ses tableaux comme il l'a fait à une époque, expliquant qu'il "les aime tous". "Les plus beaux, je ne peux plus les troquer puisque je les ai donnés", conclut-il avec un grand sourire.

"L'art de transmettre. La collection Antoine Béal" au musée des Beaux-Arts d'Orléans jusqu'au 29 mars 2026, du mardi au vendredi de 10 à 18h, le jeudi de 10 à 20h et le dimanche de 13 à 18h. Tarif plein 8 euros, tarif réduit 4 euros. Gratuit le premier dimanche de chaque mois.