Dans "La Matinale" du samedi 22 novembre, la députée Renaissance de Paris, Astrid Panosyan-Bouvet réagit au rejet de la partie recettes du budget 2026. L’ancienne ministre du Travail insiste sur la nécessité de désendetter la France. "On peut miner notre capacité à investir dans les prochaines années", prévient-elle, interrogée par Brigitte Boucher.
Ce texte correspond à une partie de la retranscription de l'interview ci-dessus. Cliquez sur la vidéo pour la regarder en intégralité.
Brigitte Bouchet : Vous étiez cette nuit à l'Assemblée nationale lorsque le budget a été rejeté. Pourquoi avez-vous voté contre ?
Astrid Panosyan-Bouvet : Le budget est un cap et une visibilité. Pour moi, il passe par le désendettement et la baisse de la dépense publique. Et là, on était plutôt sur une augmentation des taxes de l'ordre de 40 milliards d'euros suite à des demandes parfois très contradictoires. J'ai donc voté contre parce qu'on doit être dans le désendettement, on doit donner de la lisibilité et ne pas utiliser les gens qui travaillent comme variable d'ajustement pour nos problèmes de finances publiques.
On a parlé de budget "Frankenstein", comment le qualifiez-vous ?
Je le qualifie comme une première étape. Il nous faut un budget pour la fin de l'année. C'est absolument indispensable pour le bon fonctionnement de l'État. On est à mi-chemin avec un vrai débat. Il y a eu 125 heures de discussions, vives mais jamais indignes, avec de vraies prises de position qui permettent aussi d'installer cette culture du débat, du dialogue, qui a été saluée par tous les bancs. C'est aussi une découverte pour tout le monde de la procédure parlementaire, de tous les secrets que revêt notre Constitution en matière de procédure parlementaire. Il ne faut pas oublier que le cœur du sujet est le grave endettement de la France et que, s'il n'est pas réglé, on peut miner notre capacité à investir dans les prochaines années.
À qui vous adressez-vous quand vous dites ça ?
Je m'adresse aux partis de gouvernement, que ce soit des Républicains jusqu'au Parti socialiste qui ont été en responsabilité, qui ont eu des comptes à rendre aux créanciers à Bruxelles, aux Français, et qui savent ce que signifie gouverner un pays en ayant une gestion rigoureuse des finances publiques.
Est-ce qu'il faut un budget au prix d'un mauvais compromis pour la stabilité du pays ?
Je ne suis pas d'accord. Je pense qu'il faut une stabilité, mais pas à tout prix. C'est aussi pour cela d'ailleurs que j'ai voté contre la suspension de la réforme des retraites, parce que ça va à contre-sens de l'histoire. C'est se donner bonne conscience à bon compte. Pour moi, il y a deux vraies priorités. C'est le redressement des comptes publics, absolument nécessaire, sinon on va se retrouver dans une nasse qui nous empêche d'avancer. Et il ne faut pas abîmer plus encore ce fossé entre les Français et les politiques, cette incompréhension, cette illisibilité par rapport à la parole politique et au fonctionnement de nos institutions.
Croyez-vous qu'on peut éviter une loi spéciale ?
La Constitution prévoit différentes solutions. On a eu une loi spéciale début janvier avec le gouvernement Bayrou qui a permis, quelques semaines après le décalage, de doter le pays d'un budget. Donc voyons ce qui est prévu par la Constitution.
Vous avez voté contre le budget, contre la suspension de la réforme des retraites, finalement, contre les consignes de votre groupe. Pourquoi cette contradiction ?
Il n'y avait pas de consignes et c'est extrêmement important. J'ai voté contre la suspension de la réforme des retraites parce que, comme le dit Charles Péguy, "il faut voir ce qu'on voit et il faut dire ce qu'on voit". Et ce qu'on observe, c'est le choc démographique, dont tout le monde est conscient. Ce sont les déficits du régime de retraite qui ont été relevés par la Cour des comptes, pas plus tard qu'au printemps dernier. C'est pour ceux qui travaillent. Il y a 28 % des salaires qui partent pour financer les pensions des retraités et donc beaucoup de jeunes se demandent si eux pourront un jour toucher les mêmes équivalents qui représentent, quand même, un loyer. C'est ainsi aller à contre-sens de l'histoire, c'est se donner bonne conscience à bon compte plutôt que de travailler sur les vrais sujets. On doit travailler plus longtemps. Mais il faut le faire dans de bonnes conditions, avec la bonne reconnaissance, et avoir une appréciation plus fine des métiers, parce qu'on n'arrive pas dans le même état de santé quand on a un travail pénible que quand on a un travail moins pénible.
À quel âge, selon vous, faudrait-il partir à la retraite ?
Je pense qu'il faut qu'on arrête avec cette espèce de fameuse réforme. Un régime des retraites se pilote, s'ajuste parce que c'est une matière vivante en fonction de la natalité, du chômage, de la croissance économique. Il faut qu'on soit sur une trajectoire d'allongement de la durée de travail tout au long de la vie. La réalité démographique nous le commande, mais elle doit être ajustée en fonction de l'espérance de vie. Il y a des pays, avec des gouvernements socio-démocrates au Danemark, au Portugal ou encore en Espagne, qui l'ont fait. Je ne vois pas pourquoi nous ne le ferions pas aussi. Et en fonction de l'âge, avec aussi des possibilités de départ anticipé pour des personnes qui ont eu des carrières pénibles. Plutôt que d'avoir la possibilité pour les gens, qui sont nés entre 1964 et 1968, de partir entre un et deux trimestres, je milite pour que des gens qui ont des carrières pénibles, soit 30 % de la population active, puissent partir entre quatre et six trimestres avant. Mais ça doit se concentrer sur une partie de la population et pas sur l'ensemble. On doit arrêter d'avoir une vision uniforme des choses.
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