«Moins courir pour mieux courir.» Depuis 2009 et la fondation de sa méthode École de Trail, qui ouvre la pratique du trail running à tous, partout en France, Sébastien Cornette souhaite faire bouger les lignes. Et surtout faire bouger les jambes des Français, en proie à la sédentarité. Ancien athlète de haut niveau en duathlon (course à pied et vélo) et ex-champion de France superplume de boxe, le natif du Val-d’Oise a touché à de nombreuses disciplines (football, athlétisme, natation…) avant de se consacrer au coaching sportif. Aujourd’hui, il propose son concept dit novateur - basé notamment sur la technique de course et le renforcement musculaire - au plus grand nombre, qu’importent le niveau de chacun et leur préférence en matière de disciplines (trail, marche nordique, zumba, crossFit…).
Interrogé par Le Figaro, celui qui a expliqué sa démarche dans un livre sorti en 2022 (Moins courir pour mieux courir) détaille ses motivations alors que ce week-end du 22-23 novembre, a lieu le Trail Summit, premier congrès dédié aux professionnels du trail et de la santé, organisé à Aix-les-Bains par École de Trail.
Passer la publicitéLE FIGARO. - Pourquoi avez-vous créé École de Trail ?
Sébastien CORNETTE. - Il y a beaucoup d’idées reçues sur l’entraînement en course à pied et en trail en particulier. Avec la méthode que j’ai créée en 2009, l’idée était de dire «et si on arrêtait de faire des groupes de niveau en fonction de sa VMA (vitesse maximale aérobie) ? Si on créait plutôt des séances où tout le monde peut s’entraîner ensemble, où les meilleurs ne s’embêtent pas à attendre les retardataires et où les retardataires n’ont pas l’impression d’être les boulets du groupe». Tout en s’appuyant sur ce que nous raconte la science sur le corps humain. Aujourd’hui, on a formé quasiment 1.000 coachs en France, en Europe francophone et en Amérique du Nord. Ces coachs adhèrent ensuite aux 60 écoles de trail labellisées et peuvent proposer jusqu’à trois séances de sport par semaine, où qu’ils soient, à Paris, Lille, dans le Vercors, à New York… Mon ambition est que les gens bougent, en s’entraînant autrement, en cassant un peu les dogmes.
À lire aussi Ultra-trail, ultra-triathlon : l’endurance humaine a-t-elle des limites ?
Quelles sont les grandes lignes de votre méthode ? Vous insistez notamment sur l’importance du renforcement musculaire dans la course à pied…
Le renforcement musculaire est souvent perçu comme négatif alors que c’est la première qualité à avoir dans le sport, qui est essentielle pour un coureur. Aujourd’hui, on passe beaucoup trop de temps assis, on est devenu sédentaire mais notre corps et notre squelette sont faits pour bouger. Le paradoxe est que, si on n’est pas assez fort musculairement, on va se blesser et penser que la course à pied est mauvaise pour le dos, les genoux, les mollets etc… alors qu’en fait on peut soigner ces douleurs avec la course. Mais il faut d’abord se renforcer musculairement puisque c’est la première qualité qu’on perd. On propose des outils ludiques pour que tout le monde - un champion de la course tout comme la débutante Martine (l’exemple récurrent qu’il donne dans son livre, NDLR) - progresse là-dessus. Notre méthode École de Trail repose sur ce pilier du renforcement musculaire et, deuxièmement, sur la technique de course, un domaine négligé par le coureur récréatif. Des études démontrent que travailler la façon de courir améliore l’économie de course. Puis notre troisième pilier est la physiologie et ce qui compte est d’allier les trois aspects avec de la régularité dans la pratique.
Par exemple, un simple footing d’une heure avec les potes le samedi ou le dimanche, une fois par semaine, est délétère en matière de stress mécanique, c’est-à-dire l’adaptation demandée au corps pour réaliser l’effort qu’on lui demande. Le risque de blessures est alors très élevé pour les débutants et coureurs occasionnels. En fait, on peut tous améliorer notre façon de courir, ne serait-ce que pour se sentir mieux, plus en forme, plus solide. Et l’idée est de remettre le mot performance dans ce qu’il est à la base - performance voulait dire accomplissement en vieux français - donc pas uniquement performance chronométrique. C’est pourquoi l’ambition chronométrique et kilométrique est également secondaire dans nos séances, qui reposent sur des temps de course réduits et couplés avec des ateliers de renforcement.
Passer la publicitéVous dites vous adresser à «Monsieur et Madame tout le monde». Même aux enfants ?
École de Trail est pour les adultes mais on a greffé, pour les enfants, ce qu’on appelle «Graine de trailers» avec le concept du «Décaspirit», une course d’obstacles basée sur le décathlon. Car je suis un amoureux de l’athlétisme - un peu moins de la fédération - mais j’adore le sport de l’athlétisme. Comme pour les langues et les maths, dans le sport, on apprend mieux quand on joue donc on souhaite que les enfants prennent du plaisir tout en ayant un développement cognitif qui soit le plus important possible, et surtout durable. Parce que, malheureusement, on a de plus en plus de sédentarité chez les adultes mais surtout chez les enfants*. Et c’est un vrai drame économique. Ça va coûter plus cher à la société.
On va avoir des gens de plus en plus malades et ce n’est même pas une question de morphologie ou quoi que ce soit. C’est juste une question de santé publique. On veut donc que les enfants bougent. Et l’enfant qui vient chez nous à «Graine de trailers» peut faire du vélo ou du rugby à côté, c’est transversal. On va développer toutes les qualités cognitives des enfants, peut-être que ça en fera des futurs athlètes même si ce n’est pas le but premier. En tout cas, ils seront des hommes et des femmes en bonne santé, qui auront compris que le jeu est inhérent à une bonne pratique de l’activité.
*En France, parmi les jeunes de 6 à 17 ans, deux sur trois pratiquent moins de 60 minutes d’activité physique et passent plus de 2 heures devant un écran par jour, selon un rapport de l’Observatoire national de l’activité physique et de la sédentarité.
À lire aussi Alerte sur la sédentarité, l’autre fléau qui menace l’homme assis
Votre discours et votre méthode sont-elles en marge ? Avez-vous de la concurrence en France ?
Passer la publicitéIl n’y a pas d’autres méthodes que les idées reçues. On n’a pas vraiment de concurrents parce que nous faisons de la formation. Aujourd’hui, ce qui décolle, c’est plutôt des applications qui sont basées sur l’intelligence artificielle, sur du coaching à distance. Ce n’est pas notre truc. Nous, on est sur le terrain. L’école de trail n’a pas vraiment de concurrents puisqu’on organise de la formation, des stages, on s’adresse au plus grand nombre et donc aussi aux professionnels de la santé et du sport. Ce n’est pas qu’un club de running. Ok, je ne vais pas convertir tout le monde. Cependant, je sais que, progressivement, École de Trail devient un concurrent pour les fédérations, pour ceux qui ne se remettent pas en question et ne bougent pas depuis 30 ans. Si demain, il y a quelqu’un qui lance une nouvelle méthode, là, ça deviendra de la concurrence. Mais pour l’instant, on est plutôt précurseur.
Comment expliquez-vous l’engouement croissant pour les courses de trail en France ?
Il y a eu un gros virage pour le trail vers 2018. Des marques, qui regardaient le trail un peu de loin, sont arrivées. Et je crois que, comme dans un tas de domaines, le confinement de 2020 a aidé. Le coureur sur route s’est dit «Est-ce que je n’arrêterais pas de courir après le chrono ?». Je pense sincèrement qu’on n’est qu’au début de l’explosion du trail aujourd’hui. Pourquoi ? Parce qu’il y a de plus en plus de monde qui court. En France, c’est 2,4 milliards de chiffres d’affaires sur le monde du running et 12 millions de pratiquants. Pour l’instant, on est à 70% sur route et 30% en trail. Je fais le pari que sur cinq ans, on ne sera pas loin d’avoir inversé la tendance. On a la possibilité de chercher la performance en trail mais on n’est pas esclave du chrono.
Au marathon de Paris, regardez les coureurs qui arrivent en 2h59 et ceux qui arrivent en 3h01. Dans l’absolu, ça fait que deux minutes d’écart, ça ne changera fondamentalement rien à leur vie. Et pourtant, ceux qui ont fait 3h01 sont en dépression, ceux à 2h59 sautent de joie. Sur 42 kilomètres en forêt par exemple, si on dit aux gens de se concentrer uniquement sur leurs sensations, quelqu’un qui met 2h59 ou 3h01 aura le même ressenti et peut dire que c’était génial. Toutefois, je conseille à tous de ne pas délaisser la route, les trailers devraient d’ailleurs passer absolument par le 10 kilomètres pour travailler leur vitesse de base. Cependant, je pense qu’on aura de plus en plus de pratiquants en trail parce qu’il y a ce côté «seul face à moi-même». On a aussi, peut-être, besoin de reconnexion dans notre société actuelle pas très sympa…