Trois jours après l’adoption à l’Assemblée nationale d’une proposition de résolution du RN visant à «dénoncer» l’accord franco-algérien de 1968, le sujet reste brûlant dans les médias et sur les réseaux sociaux. Ce dimanche, le ministre de l’Intérieur Laurent Nunez a remis de l’huile sur le feu, en déclarant au Parisien qu’il ne fallait pas aller au «bras de fer» avec l’Algérie. Cette sortie a provoqué la colère de la droite nationaliste, et notamment d’Éric Zemmour, qui a estimé sur BFMTV que le premier flic de France allait «se coucher devant les Algériens». Mais le fondateur de Reconquête est allé plus loin sur son compte X, en croisant le fer avec un homme se présentant comme un imam, sur le fond historique de cette affaire.
Tout a commencé par une petite phrase prononcée par l’eurodéputée Reconquête Sarah Knafo sur CNews vendredi 31 octobre : «On a divorcé avec l’Algérie en 1962. Mais la France a eu la garde des enfants... Et elle continue de verser une pension alimentaire». Sous-entendu : l’Algérie a eu son indépendance, mais ses ressortissants et leurs descendants continuent à vivre massivement en France, tandis qu’elle bénéficie toujours d’aides financières françaises.
«Votre métaphore dit beaucoup sur votre mépris et très peu sur votre culture», lui a répondu sur X un certain Ismail, imam à Marseille. «L’Algérie n’a pas divorcé de la France, elle s’en est libérée après 132 ans d’occupation, de pillages et de massacres», a-t-il ajouté, évoquant une «dette colossale que la France n’a jamais réglée». «Quant à ’la garde des enfants’, ce que vous appelez ainsi, ce sont des citoyens français, nés ici, vivant ici, contribuant ici», a-t-il aussi écrit.
«On ne pille pas des marécages et des étangs»
Ce dimanche, Éric Zemmour s’est invité dans la danse avec un long texte pour lui répondre, sur le même réseau social, l’accusant d’«ignorance historique» et d’«esprit de revanche». «C’est de Gaulle qui a donné l’indépendance à l’Algérie, ’parce qu’il ne voulait pas que son village devienne Colombey-les-Deux-Mosquées’», a-t-il d’abord avancé, en référence à une phrase attribuée au général pour évoquer son village de naissance, Colombey-les-Deux-Eglises. Le président de Reconquête a ensuite poursuivi : «Jamais l’armée de libération algérienne n’a affronté l’armée française : elle est restée, peureusement, l’arme au pied, derrière la frontière, tandis que les terroristes du FLN faisaient sauter des bombes dans les cinémas et dans la rue, tuant des femmes et des enfants». Puis il a jugé que l’Algérie n’avait «pas été pillée», puisqu’«on ne pille pas des marécages et des étangs».
Entre autres arguments, Éric Zemmour écrit que «la France a découvert le pétrole et le gaz, qui sont encore aujourd’hui les seuls produits que l’Algérie exporte, et qui permettent de nourrir toute sa population». «Qui devrait être reconnaissant ?», a-t-il demandé. L’ancien candidat à la présidentielle s’est ensuite lui aussi fendu d’une métaphore : «Quant aux citoyens français nés ici, parlons-en : on ne devient pas Français uniquement parce qu’on est né sur son sol. Un aigle ne devient pas automatiquement un cheval parce qu’il est né dans une écurie, quand il garde la nationalité de l’aigle, l’amour immodéré des aigles et la haine des chevaux».
En retour, l’imam Ismael s’est lui aussi fendu d’un long texte argumenté, dans lequel il estime notamment que «De Gaulle a simplement reconnu qu’il ne pouvait plus maintenir une guerre déjà perdue moralement, politique et militairement». Mais aussi qu’avant 1830, l’Algérie «possédait une économie agraire, artisanale et maritime active» et que «la colonisation a introduit un système de spoliation massive». Au sujet du pétrole et du gaz, le religieux juge que «la France les a simplement exploités», mais pas découvert. Enfin, Ismael estime que la métaphore «du cheval et de l’aigle» est «raciale, pas juridique». «Un enfant né en France, même de parents étrangers, peut devenir Français», a-t-il rétorqué, avant de conclure : «Vous opposez les cultures parce que vous ne supportez pas que des noms arabes incarnent la France républicaine».