Près de quatre millions de vues en même pas vingt-quatre heures. Leroy Merlin ne s’attendait probablement pas à une telle audience pour un simple post sur le réseau social X. Il faut dire que le message en question, publié ce lundi 17 novembre, suscite une vive polémique. L’enseigne de bricolage y annonce son intention de retirer ses publicités du site de Frontières, un média proche de la droite identitaire. De quoi s’attirer les foudres de centaines d’internautes, dont des élus du Rassemblement national, appelant au boycott.
L’affaire est partie d’un signalement de la branche française de Sleeping Giants, un collectif citoyen né aux États-Unis en 2016 dans le sillage de l’élection de Donald Trump, et qui entend lutter «contre le financement du discours de haine». Ses militants cherchent à priver de leurs revenus publicitaires les médias qu’ils accusent de relayer de tels discours. Par le passé, ils ont ciblé l’hebdomadaire Valeurs actuelles, la chaîne d’informations CNews, France Soir ou encore Boulevard Voltaire.
À lire aussi Qui sont ces «Sleeping Giants» qui veulent couper les vivres aux médias jugés «anxiogènes» ?
Passer la publicitéLundi, le collectif a directement interpellé Leroy Merlin sur X pour l’informer qu’une publicité de la marque apparaissait sur «le site abject» de Frontières, «obnubilé par l’immigration». Sleeping Giants affirme que le média vend des produits dérivés «avec le slogan xénophobe du FN/RN», et qu’il est «accusé de diffamer des ONG de défense des droits humains».
«Vous venez potentiellement de perdre 11 millions de clients»
Via son compte officiel, l’enseigne de bricolage a expliqué avoir, à la suite de cette alerte, «immédiatement ajouté» le site Frontièresmedia.fr à sa «liste de blocage publicitaire». En d’autres termes, les publicités que la marque achète en ligne auprès de la régie publicitaire de Google et qui s’affichent de manière automatique sur plusieurs sites internet fournisseurs d’espaces n’apparaîtront plus sur celui de Frontières. Le média n’en tirera donc plus de revenus. «Nous ne cautionnons en aucun cas les propos tenus sur cette plateforme, ni les messages qu’on a pu y voir relayés», se justifie Leroy Merlin.
Une sortie qui a eu le don d’agacer Erik Tegner, le directeur de la rédaction de Frontières. «L’objectif est très simple : nous assécher financièrement. Les Sleeping Giants avaient déjà fait ça en 2019 contre Cnews en forçant des entreprises de se retirer de l’émission de Christine Kelly en dénonçant la présence d’Éric Zemmour», a-t-il réagi dans une tribune. Et d’ajouter dans un post sur X : «Honte à Leroy Merlin qui cède - avec une forme de plaisir revendiqué - face à l’extrême gauche. Je vous invite donc à leur exprimer massivement votre mécontentement.»
Il a été soutenu par plusieurs élus du RN, dont Kevin Pfeffer, député de la Moselle, et Jérôme Buisson, député de l’Ain : «Vous venez potentiellement de perdre 11 millions de clients. Nous aussi on va vous mettre dans les indésirables !», a lancé le second à l’enseigne. «Des millions de vos consommateurs votent pour la droite nationale, allez vous les bloquer aussi ?», s’interroge de son côté La Cocarde Étudiante, un syndicat étudiant «du camp national».
Auchan et Orange également interpellés
Les appels au boycott n’ont pas tardé à pleuvoir, plusieurs internautes signalant leur intention de ne plus passer de commandes auprès de Leroy Merlin, d’autres allant jusqu’à annuler leurs commandes en cours. «Je n’irai donc plus rien acheter chez eux. Et vous ?», affirme un internaute. «Vous venez de perdre une commande de faïence de 3500€», jure un autre, reprenant au passage le slogan «go woke, go broke» en vogue aux États-Unis pour menacer de faillite les entreprises trop conciliantes avec le politiquement correct.
À l’inverse, un internaute a tenu à saluer cette «prise de position courageuse» de Leroy Merlin et fait part de son intention d’«acheter» un réfrigérateur d’une valeur de 1229 euros en conséquence. «J’annonce faire appel à vos services pour refaire ma terrasse au printemps», ajoute-t-il.
Contactée par Le Figaro, l’enseigne Leroy Merlin n’a pas souhaité faire de commentaire. Mais le collectif Sleeping Giants ne s’est pas arrêté à l’enseigne de bricolage puisqu’il a également interpellé Auchan , Verisure et Orange pour le même genre de publicités apparaissant sur le site de Frontières. Le distributeur, le spécialiste des alarmes et l’opérateur télécom ne se sont, pour l’heure, pas exprimés sur le sujet. Frontières, de son côté, dénonce une «campagne massive de harcèlement» et annonce son intention de «riposter judiciairement». Le média a également lancé un appel aux dons.