L’hôtel de Fourcy, construit en 1608 et situé au 8, place des Vosges, est aujourd’hui au centre d’un vif débat. Ce bâtiment historique, autrefois occupé par une annexe du lycée Théophile-Gautier et par le musée Victor Hugo, a déjà connu plusieurs projets avortés. Le conseil d’arrondissement de Paris Centre a cependant émis un avis favorable à sa transformation. Le Conseil de Paris doit désormais se prononcer prochainement. La Ville justifie cette opération par la nécessité de ramener des habitants permanents dans un secteur largement dominé par les résidences secondaires.
La municipalité prévoit, via un bail emphytéotique conclu avec CDC Habitat social, de réhabiliter l’hôtel particulier pour y créer 17 logements sociaux ainsi que 4 commerces. L’immeuble, classé en partie monument historique, serait restauré de fond en comble : façades, menuiseries, toitures, renforcement structurel et mise aux normes. L’objectif est de transformer les anciens locaux scolaires et bureaux en logements adaptés, tout en respectant les contraintes patrimoniales du Marais. La Ville de Paris entend soutenir l’opération à hauteur de 2,3 millions d’euros, une subvention inscrite à son budget d’investissement 2025.
«C’est la seule façon qu’il y ait des habitants»
Pour Jacques Baudrier, adjoint à la maire en charge du logement et rapporteur du rapport, cette transformation est nécessaire pour lutter contre le phénomène des logements vides dans les beaux quartiers : «Les élus qui s’y opposent, ce sont des gens qui ne veulent pas de logement social», juge-t-il auprès du Figaro. Il rappelle que «dans ce quartier, c’est plus d’une fois sur deux des résidences secondaires» et que s’opposer au projet revient, selon lui, à «être pour des logements vides». Pour l’élu, réintroduire des habitants permanents à cet emplacement est indispensable : «Créer des logements sociaux à cet endroit, c’est une façon de garantir qu’il y ait des logements. C’est la seule façon qu’il y ait des habitants.» Le vote au Conseil de Paris devrait, selon lui, aboutir favorablement : «Les opposants sont minoritaires, ça va très probablement passer la semaine prochaine. De nombreuses mairies d’arrondissement marquées à droite font le même constat.»
«Ça devient invivable»
Face à cela, Aurélien Véron, conseiller de Paris (Changer Paris), dénonce une opération coûteuse et un acte de pure démagogie. «Notre position est parfaitement claire sur cette opération démagogique : priorité à la rénovation du parc existant.» Il fustige ce qu’il considère comme des «opérations vitrines» consistant à transformer des immeubles de luxe en logements sociaux, «de purs coups de com’ qui immobilisent des sommes colossales au détriment des besoins réels», confie-t-il au Figaro. Pour lui, la Ville répète les erreurs du passé, citant notamment les «48 millions dépensés pour 23 logements avenue George V». Il dénonce aussi les «loyers capitalisés», «ce tour de passe-passe où 65 ans de loyers sont versés d’un coup par un bailleur social qui s’endette lourdement, pendant que la mairie dilapide la somme dans l’année». Enfin, il s’oppose aux «préemptions sauvages» qui, selon lui, «assèchent le parc locatif privé» et accentuent la fuite des classes moyennes : «Ils ne font que réduire le parc privé. (...) Ajoutez à ça la crasse et l’impossibilité de circuler, ça devient invivable.»
L’avenir du projet se jouera la semaine prochaine au Conseil de Paris. Au-delà du cas de l’hôtel de Fourcy, c’est une conception du logement dans les quartiers historiques de la capitale qui s’affronte : pour la majorité, installer des logements sociaux place des Vosges est un moyen concret de lutter contre les résidences secondaires ; pour le groupe de Rachida Dati, c’est une dépense disproportionnée qui ne résout rien à la crise du logement pour les classes moyennes.