Au procès des attentats du 13 novembre 2015, il avait fait résonner sa voix de stentor pour raconter les basses œuvres des terroristes, ces « pauvres âmes », et le « flambeau de lumière » qu’ils avaient bien malgré eux allumé chez les survivants du massacre du Bataclan.
Dix ans après ce drame, commémoré par la République et les associations de victimes, Jesse Hughes reprend la parole dans Le Point . Face au journaliste Jérémy Maccaud, qui se trouvait lui aussi dans la salle de concert, le chanteur américain fait le récit d’une décennie pour le moins particulière : les doutes après l’horreur, le retour sur scène et un amour de la France, qui revient comme un refrain.
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Passer la publicitéDe retour sur scène
À l’issue de la tragique soirée du 13 Novembre, par un mélange de traumatisme et de culpabilité, Jesse Hughes ne souhaitait plus faire face à un public. « J’avais l’impression d’avoir été le morceau de fromage dans un piège à souris, qui s’était refermé sur mes amis », se souvient dans l’hebdomadaire le musicien, présent à Paris pour les commémorations.
« La ténacité française, c’est quelque chose contre laquelle on ne peut pas négocier. »
Jesse Hughes
Une invitation de U2 à partager la scène fin 2015, une banderole envoyée par des fans survivants... Ces coups de pouce l’ont aidé à reprendre le chemin de la scène. De là, la vue n’était plus la même. « J’ai compris que le rock’n’roll était devenu plus que ce qu’il n’avait jamais été. Avant, ce n’était qu’un divertissement. » Un concert donné à l’Olympia, en 2016, face à une foule où l’on apercevait des béquilles et des fauteuils roulants, achève de lui redonner la foi. « Quand j’ai reconnu tant de visages qui étaient au Bataclan, j’ai ressenti une immense fierté, une énergie, un je-ne-sais-quoi. » Ce je-ne-sais-quoi, ce presque rien, l’a aidé à se reconstruire.
En 2016, Jesse Hughes témoignait déjà dans une longue interview au Figaro se sentir français : « J’ai vu une nation entière se dresser contre ses agresseurs en faisant fi de la politique une seconde après avoir été attaquée. On ne voit pas cela partout dans le monde. »
Dans Le Point, le quinquagénaire, qui épingle l’indifférence de ses concitoyens à l’égard de sa peine en 2015, n’a pas de mots assez forts pour vanter ses « frères et sœurs ». Il donne à l’Hexagone des accolades chaleureuses, ne s’attarde pas sur les polémiques que certains de ses propos ont pu susciter (il avait formulé des insinuations mal reçues sur la sécurité des lieux ou regretté l’absence de port d’armes en France). « La ténacité française, c’est quelque chose contre laquelle on ne peut pas négocier. Quand les Français ont décidé d’un truc, personne ne les fera changer d’avis. »
«Je suis toujours en train de me reconstruire»
Jesse Hughes a notamment observé son « ami Arthur » à la tête de Life for Paris. Voix incontournable du 13 Novembre, Arthur Dénouveaux a présidé l’association d’aide aux victimes pendant huit ans. Le polytechnicien organise désormais sa dissolution prochaine. « Nous ne pouvons pas à la fois dire que l’on souhaite cesser d’être victimes tout en s’enfermant dans l’association. C’est un saut dans le vide mais à travers les tempêtes que nous avons traversées, des liens interpersonnels très forts se sont créés », a-t-il confié au Figaro .
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Passer la publicitéLa souffrance reste vive chez « Boots Electric », l’un des surnoms de Jesse Hughes. « Je suis toujours en train de me reconstruire. Il y a des trucs sur lesquels je bosse encore, comme le fait de comprendre ce que je ressens ou ce que je pense. Parce que je suis souvent submergé. » Comme d’autres survivants, sans doute. « Nous sommes des guerriers du rock’n’roll », précise le musicien à la moustache fournie. Le leader d’Eagles of Death Metal prépare, après dix ans d’absence, un nouvel album. Et affirme qu’il reviendra jouer au Bataclan « à la seconde où ce sera possible ».