Mercosur: après 25 ans de négociations, ces dernières étapes qui devraient conduire à l’adoption de l’accord

La France, longtemps, a été la cheffe de file des pays opposés à l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Mercosur. Outre le risque de concurrence qui pourrait signer la mort d’une partie de l’agriculture française, le traité est également très critiqué pour ses conséquences environnementales. Faute de parvenir à rassembler suffisamment de pays européens derrière lui pour bloquer l’accord, Emmanuel Macron avait affirmé début juin qu’il était prêt à signer d’ici fin 2025 sous condition. Le chef de l’État a néanmoins provoqué un véritable tollé en France jeudi, lorsqu’il s’est dit «plutôt positif » sur la possibilité d’accepter le traité.

Critiqué à l’unisson par la classe politique et le monde agricole, le chef de l’État a été obligé de se reprendre en déclarant que «la France continue d’attendre des réponses claires». La ministre de l’Agriculture elle-même, Annie Genevard (LR), a assuré dans le JDD que «la France ne signera pas un accord» qui «condamnerait à terme» les agriculteurs de ce pays. Emmanuel Macron, qui se rend à Toulouse ce mercredi, pourrait recevoir un accueil chahuté de la part des agriculteurs que la FNSEA a appelé à la mobilisation.

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Quoi qu’il en soit, ce fameux accord commercial n’a jamais été aussi proche d’aboutir. La commission européenne espère même une signature d’ici fin décembre. Si plusieurs étapes importantes doivent encore être franchies, cette issue semble à ce jour la plus probable et signerait le dénouement de plus de 25 années de négociations entre les deux continents. Les premiers échanges autour d’un accord commercial de libre-échange avec l’Union européenne (UE) datent en effet de la fin des années 90.

Tentatives avortées

Elles échouent par deux fois, malgré deux tentatives entre 1999 et 2004, puis entre 2010 et 2012. Une troisième période de négociations s’ouvre en 2016, alors que l’arrivée de Donald Trump à la Maison-Blanche signe le retour du protectionnisme américain. Décidée à obtenir un accord, la commission cède notamment sur l’entrée sur son marché de 70.000 tonnes de viande bovine et de 600.000 tonnes d’éthanol libres de droits de douane. Le 28 juin 2019, l’UE et les quatre membres fondateurs du Mercosur (Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay) annoncent la conclusion d’un accord de principe.

Mais le 23 août 2019, Emmanuel Macron affirme l’opposition de la France, invoquant l’impact environnemental de l’accord. Le 21 août 2020, la chancelière allemande Angela Merkel prend position dans le même sens. Enfin, en octobre 2020, le Parlement européen donne le coup de grâce à cette troisième tentative en votant contre la ratification du traité «en l’état». Le rejet de l’accord est aussi plébiscité par l’opinion. Selon un sondage de septembre 2020 réalisé en France, en Allemagne, aux Pays-Bas et en Espagne, près de 80% des personnes interrogées se prononcent pour l’abandon du traité.

Il faut attendre 2023 pour que la commission rouvre les négociations. En France, le retour annoncé de ce traité de libre-échange est au cœur des manifestations des agriculteurs qui bloquent une partie du pays à partir de janvier 2024. Sous pression, le premier ministre de l’époque Gabriel Attal affirme que la France «s’oppose» à la signature du traité. Ce qui n’empêche pas Ursula von der Leyen d’annoncer la conclusion d’un nouvel accord le 6 décembre 2024, accord approuvé par la commission en septembre 2025.

L’échec annoncé d’une minorité de blocage

Avec plusieurs États membres (Allemagne, Espagne et Portugal notamment), Bruxelles pousse désormais pour une signature d’ici la fin décembre. Plusieurs étapes doivent encore être franchies, mais l’adoption définitive de l’accord semble désormais en bonne voie. Le 3 septembre 2025, la Commission a soumis le traité à l’approbation du Conseil de l’Union européenne, composé des ministres des 27 États membres. Ceux-ci devront voter à la majorité qualifiée (15 États sur 27, qui devront représenter au moins 65% de la population de l’UE).

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Pour constituer une minorité de blocage, quatre pays au moins, représentant plus de 35% de la population de l’Union européenne doivent rejeter l’accord. Dès 2024, la France avait rallié la Pologne et tenté de mobiliser d’autres pays derrière elle, sans succès. Raison pour laquelle Emmanuel Macron avait changé de stratégie début juin 2025, annonçant qu’il était prêt à signer d’ici la fin de l’année sous conditions. La Commission a fini par concéder de compléter l’accord par un «acte juridique» renforçant les mesures de sauvegarde pour «les produits européens sensibles». En clair, l’exécutif européen s’engage à intervenir en cas d’afflux soudains de marchandises sud-américaines qui déstabiliseraient certaines filières européennes, comme le bœuf, la volaille, le sucre et l’éthanol.

Les parlements nationaux mis de côté

Si le Conseil approuve le traité, il reviendra au Parlement européen de le voter à la majorité simple des suffrages exprimés. Là encore, il faudrait un improbable tour de force des 81 eurodéputés français pour parvenir à rallier derrière eux suffisamment de collègues étrangers, sachant que le parlement européen compte 720 sièges. Enfin, les parlements nationaux ne seront pas sollicités pour valider l’essentiel de l’accord.

En effet, pour éviter que le rejet des députés français ou polonais ne bloque l’accord dans son ensemble, la Commission a décidé de scinder le texte en deux volets. D’un côté, un accord de partenariat global regroupant des dispositions relevant des compétences nationales que chaque parlement devra voter. De l’autre, l’accord commercial lui-même, domaine de compétence exclusif de la commission, qui sera validé après le vote du Conseil de l’Union européenne et du parlement.

Si le parlement français rejetait le texte qui lui sera soumis, le cadre institutionnel adossé à l’accord n’entrerait pas en vigueur (instances de dialogue, mécanismes de règlement des différends, etc.). Un signal politique fort, mais qui n’empêcherait pas l’accord de libre-échange de s’appliquer. Les dates de ces deux votes seront fixées d’ici la fin de l’année.