Le sort de près de 200 combattants du Hamas, piégés dans des tunnels à Rafah, est devenu un enjeu diplomatique majeur. Coincés depuis le cessez-le-feu dans la bande de Gaza, dans une zone contrôlée par l’armée israélienne, ils refusent toute idée de reddition tandis qu’Israël rejette tout compromis allant contre ses intérêts.
Du côté de la Maison Blanche, Donald Trump s’inquiète pour l’avenir de son plan pour Gaza comme en témoignent les fréquentes navettes effectuées par ses émissaires, dont Jared Kushner, son influent gendre reçu lundi 10 novembre par Benjamin Netanyahu. L’agence Reuters a rapporté que leurs discussions avaient aussi porté sur les combattants bloqués dans les tunnels.
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"Tant qu’elle n’est pas résolue, la question de ces combattants du Hamas bloqués à Rafah risque de faire imploser l'accord de cessez-le-feu, estime Imad Abou Aouad, analyste politique et expert en affaires israéliennes, joint par l’antenne arabophone de France 24. Il est impossible que ces combattants se rendent, ce qui signifie qu'ils continueront à se battre contre l'armée israélienne dans un contexte de guerre d'usure, ce que les États-Unis considèrent comme une violation de l'accord de cessez-le-feu déjà entamé par les bombardements israéliens qui ont fait 45 morts mardi, selon des sources palestiniennes. Des affrontements et des opérations redoutés par les Américains qui les perçoivent comme un risque pouvant entrainer l'effondrement de l'accord".
La restitution du corps de Hadar Goldin liée au dossier ?
De son côté, soumis à des pressions internes pour ramener ses combattants vivants, le Hamas exige que ces derniers retournent dans les zones sous son contrôle. Le mouvement palestinien a d’ailleurs déjà fait un pas vers les Israéliens, explique Imad Abou Aouad. Selon lui, la restitution de la dépouille de Hadar Goldin, [un soldat israélien tué le 1er août 2014 pendant une mission près de Rafah, NDLR] est liée au dossier des combattants bloqués à Rafah.
Dimanche 9 novembre, la branche armée du Hamas avait annoncé la restitution en journée de la dépouille du soldat israélien. "Les Brigades Ezzedine al-Qassam vont remettre le corps de l'officier Hadar Goldin, qui a été trouvé hier dans un tunnel de la ville de Rafah", avait écrit le groupe armé dans un communiqué publié sur Telegram. La restitution de ce corps "retrouvé" opportunément n’a pour l’instant pas débloqué la situation.
Le Premier ministre israélien semble coincé entre la volonté américaine d’écarter tout risque d’implosion du cessez-le-feu à Gaza et les pressions politiques de ses alliés d'extrême droite au sein de la coalition gouvernementale, ulcérés par la trêve avec le Hamas sous pression américaine.
"Monsieur le Premier ministre, c’est de la folie pure", avait écrit le ministre des Finances Bezalel Smotrich, sur le réseau social X, en réaction à des informations relayées début novembre par des médias israéliens, laissant entendre qu’Israël approuverait le passage sûr des combattants palestiniens "s’ils acceptaient de rendre leurs armes". D’autres sources émanant de l’armée israélienne avaient déclaré qu’ils ne seraient autorisés à se rendre dans la partie de territoire contrôlée par le Hamas "que si le groupe terroriste rendait davantage de corps d’otages morts".
"Le refus de Netanyahu de faire sortir ces combattants s'explique par la pression populaire et politique, qu’il s’agisse de ses alliés ou de ses opposants, qui veulent que ces combattants soient tués, poursuit Imad Abou Aouad. Sachant que l’armée israélienne, qui évolue depuis deux ans dans cette zone sans venir à bout des tunnels de Rafah, les aurait tués si elle avait pu les atteindre."
Si Trump l’exige …
Selon lui, il existe plusieurs scénarios pouvant aboutir à un accord sur ce dossier : "Le plus probable étant que les combattants sortent dans des véhicules de la Croix-Rouge, mais sans leurs armes."
Il évoque une autre possibilité consistant à autoriser l'évacuation de ces combattants vers l'étranger. Après tout, le plan Trump comprend un point stipulant que "les membres du Hamas qui souhaiteront quitter la bande de Gaza se verront garantir un passage vers un pays tiers".
"Mais ce scénario est inimaginable vu leur nombre et la difficulté pour un seul pays d'absorber toutes ces personnes", estime Imad Abou Aouad, alors que les regards se tournent naturellement vers l’Égypte voisine.
Selon plusieurs médias israéliens, dont le Jerusalem Post, citant les déclarations d’une "source au sein du cabinet politico-sécuritaire", Israël et les États-Unis auraient conclu, ce mardi 11 novembre, un accord portant sur l’expulsion des combattants du Hamas.
Selon cet accord, le gouvernement israélien devrait autoriser leur sortie sauf qu’aucun pays, "y compris la Turquie et le Qatar", n’a pour l’instant accepté de les accueillir… De son côté la chaîne israélienne I24 indique qu'une "source israélienne haut placée" s'est empressée de démentir cette information.
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"Toujours est-il que les États-Unis et le président américain veulent un règlement de cette question. S'ils y parviennent, ils seraient alors en mesure de l'imposer aux Israéliens, pour éviter que cette zone de Rafah et d'autres zones orientales de la bande de Gaza ne restent un théâtre d'opérations de résistance à même de perturber la mise en œuvre du plan Trump", souligne Imad Abou Aouad.
Il est vrai que Washington semble pressé de mettre en œuvre la deuxième phase de cet accord. Une deuxième phase qui comprend l'établissement d'une autorité transitoire et le déploiement d'une force internationale de stabilisation à Gaza, mais surtout le désarmement du Hamas…