Une alliance baroque de députés PS, RN et MoDem a approuvé dans la soirée une modification de l’Impôt sur la fortune immobilière (IFI) qui intègre les actifs financiers dans l’assiette de l’impôt, et en exclut la résidence unique ou principale, comme le souhaite de longue date le RN.
Passer la publicité Passer la publicitéMoment de flottement et d’incompréhension à l’Assemblée nationale. Invités à se prononcer sur la transformation de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) en «impôt sur la fortune improductive», les députés ont approuvé l’amendement du député MoDem Jean-Paul Mattei, sous-amendé par le député PS Philippe Brun, par 163 voix contre 150.
Mais les votes des différents groupes ont présenté une répartition très surprenante : d’un côté, une alliance hétéroclite réunissant le RN, le PS, le MoDem et les députés du groupe centriste Liot. Une coalition surprenante qui a fait enrager les groupes battus, dont les Insoumis et Renaissance, alliés inattendus.
Si Philippe Brun s’est félicité auprès de la presse du «rétablissement de l’Impôt sur la fortune» (ISF) supprimé par Emmanuel Macron en 2017, la députée Renaissance Prisca Thévenot a estimé que ce qui avait été voté est «une taxe inventée par Marine Le Pen elle-même», et en aucun cas le retour de l’ISF, «sinon (...) La France insoumise l’aurait voté». «Oui, il y a bien des “échanges dans les couloirs” entre Monsieur Faure et Madame Le Pen», a-t-elle attaqué sur son compte X. Le RN a salué le vote d’un impôt «inspiré» de son programme.
«On a affaibli l’IFI sans même réintégrer l’ISF»
Le député Horizons Sylvain Berrios a fustigé une mesure qui va «taxer l’épargne des Français». La gauche hors PS a très majoritairement voté contre l’amendement. «On a affaibli l’IFI sans même réintégrer l’ISF» a tancé le président de la commission des Finances, l’Insoumis Éric Coquerel. L’entourage du premier ministre a lui souligné que le gouvernement était «opposé au rétablissement de l’ISF».
Furieux, le coordinateur de la France insoumise Manuel Bompard s’est dit «stupéfait du vote qui vient d’avoir lieu». «Il y a une alliance entre le Parti socialiste et le Rassemblement national pour exonérer d’impôt sur la fortune immobilière le château de madame Le Pen», a-t-il éructé dans l’hémicycle. Une intervention saluée sur les bancs par le camp présidentiel, fait rarissime.
Sur X, Olivier Faure s’est facilité d’un «nouvel ISF a été adopté sur la base d’un amendement du Modem sous-amendé par les socialistes». Mais le patron du PS a vite été taclé par les députés LFI, dont Claire Lejeune ou Danièle Obono. «Ce qui vient de se passer est sidérant. Le PS vient de voter AVEC LE RN un impôt qui retire la progressivité de l’IFI, et épargne les résidences jusqu’à 1 million. C’est potentiellement une BAISSE de recettes par rapport à l’IFI», a écrit la première, tandis que la seconde a demandé au socialiste de «se ressaisir». «À force de vous laisser tourner en bourrique par Lecornu, vous avez perdu toute boussole», a-t-elle raillé.
«Actifs improductifs»
L’amendement de Jean-Paul Mattei prévoyait dans sa rédaction originale d’inclure dans l’assiette de l’impôt «les actifs improductifs» tels que les «biens immobiliers non productifs, biens meubles corporels (objets précieux, voitures, yachts, avions, meubles meublants, etc.), actifs numériques, assurance-vie pour les fonds non alloués à l’investissement productif», selon son exposé des motifs. Il sortait en revanche de l’assiette de l’IFI les actifs immobiliers productifs, étant considérés comme tels les biens loués pour une durée de plus d’un an répondant à des critères environnementaux. Il modifiait par ailleurs le barème de l’IFI, en remplaçant le barème progressif par un taux unique de 1%.
Passer la publicitéUn sous-amendement de Philippe Brun, déposé lors de la pause parlementaire en début de soirée, et adopté par les députés, a exclu de l’assiette un bien par foyer fiscal, dans la limite d’un abattement d’un million d’euros. Un amendement proche avait été déposé par le RN, excluant la résidence principale ou unique de l’assiette, conformément à sa proposition d’un Impôt sur la fortune financière (IFF). Un autre sous-amendement de Philippe Brun a réintégré les biens loués dans l’assiette. Jean-Paul Mattei souhaitait rehausser le seuil de paiement de l’impôt à deux millions d’euros, mais un autre sous-amendement du député socialiste a maintenu le seuil à 1,3 million d’euros.