L’orchestre de la Cité des Doges manifeste depuis le 17 octobre contre l’arrivée d’une nouvelle directrice musicale qui manque d’expérience. Ils la soupçonnent d’avoir obtenu ce poste en raison de ses liens avec le gouvernement.
Passer la publicité Passer la publicitéLa Fenice de Venise traverse une période de crise. Depuis le 17 octobre, les musiciens du temple de l’Opéra italien sont en grève et défilent dans les rues de la Cité des Doges, instruments à la main, scandant à tue-tête l’hymne national, Fratelli d’Italia. La plupart d’entre eux protestent contre la nomination en tant que directrice musicale de la cheffe d’orchestre Beatrice Venezi, en raison de son manque de qualification pour occuper le poste. Certains la soupçonnent également d’avoir obtenu cette promotion en raison de sa proximité avec le pouvoir. Elle est, en effet, la fille de Gabriele Venezi, ancien leader du parti néofasciste Forza Nuova, et l’ancienne conseillère pour la musique au ministère de la Culture sous le gouvernement de Giorgia Meloni.
Beatrice Venezi a été nommée le 22 septembre en tant que cheffe d’orchestre de l’Opéra vénitien, pour la période 2026-2030, par le surintendant Nicola Colabianchi, ancien militant au sein du mouvement d’extrême droite Ordine Nuovo. Selon les informations de BFMTV, cette décision a été approuvée par le président de la Fondation Fenice, aussi maire de Venise, et tout le conseil d’administration. Seul problème, l’orchestre n’a jamais donné son aval et la coutume, qui exige une rencontre entre la nouvelle directrice musicale et les musiciens, n’a pas été respectée, ce qui a provoqué un tollé immense.
Aucune dimension politique
L’intégralité des 300 salariés du théâtre de la Fenice réclame aujourd’hui l’annulation de cette nomination et s’appuie sur le soutien des autres fondations lyriques et symphoniques du pays. Ils insistent toutefois sur le fait que cette grève ne relève pas d’une opposition politique, mais bien « d’un constat professionnel ». En effet, les musiciens de l’Opéra italien assurent respecter toutes les opinions politiques au sein de l’orchestre.
Ce qui nous rassemble, c’est le constat que son parcours reste trop léger pour un tel poste
Eugenio Sacchetti, violoniste, à Libération
Dans une pétition, ils reprochent à Beatrice Venezi de ne pas correspondre aux exigences de l’institution et d’avoir un parcours beaucoup moins chevronné que celui de ses prédécesseurs. « Ce qui nous rassemble, c’est le constat que son parcours reste trop léger pour un tel poste », a déclaré le violoniste Eugenio Sacchetti dans les colonnes de Libération . « La Fenice ne peut pas être un lieu d’entraînement, c’est un point d’arrivée », a ajouté Emiliano Esposito, artiste des chœurs, au même journal. De son côté, le surintendant Nicola Colabianchi a tenté de calmer les ardeurs de ses musiciens en leur rappelant que la cheffe d’orchestre ne dirigerait « qu’une soirée majeure, trois concerts et deux opéras par saison ».
Résiliations d’abonnement
Mais rien à y faire. Les contestations sont allées encore plus loin. Le 23 octobre, les représentants syndicaux ont demandé la démission du surintendant, qu’ils accusent d’avoir « rompu de manière irréparable le rapport de confiance avec les travailleuses et travailleurs du Théâtre ». Quelque 140 fidèles spectateurs ont menacé de résilier leur abonnement en cas de maintien de Beatrice Venezi au poste de directrice musicale de la Fenice. Le théâtre recensait, le 24 octobre, plus de 7000 commentaires négatifs sur les réseaux sociaux.
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Le maire de la ville, lui, a été pointé du doigt par les représentations syndicales après avoir déclaré que cet épisode de crise était « irrespectueux envers le public et violent envers Venezi ». « Si vous pensez vraiment, monsieur le maire, qu’il s’agit d’une instrumentalisation politique, que le fait d’autoriser une manifestation publique relève de votre bienveillance et non d’un droit démocratique, [...] cela se passe de commentaires », ont écrit les syndicats dans une lettre citée par le journal local Corriere del Veneto .