Constance, le rire au bout du tunnel

Pendant des années, Constance Pittard a enchaîné les spectacles, jusqu’au jour où elle a craqué. Apparemment, sans raison. Elle se sentait en pleine forme et de bonne humeur. Mais elle ne pouvait plus s’empêcher de pleurer. Lors de sa première consultation, en 2021, le mot terrible est prononcé. « Je suis en tournée, je n’ai pas le temps de faire un burn-out ! », affirme-t-elle. Plus tard, arrêtée, à une psychiatre qui lui demande comment elle va, elle rétorque : « J’ai toujours envie de me suicider, sinon, c’est rien. ». L’humoriste picarde qui faisait plier en deux « la France entière » nous fait passer du rire aux larmes à la vitesse d’un TGV dans un spectacle autobiographique. Elle révèle qu’elle est bipolaire et explique comment elle s’en est sortie.

Sur son avant-bras droit, le dessin d’une framboise témoigne de sa descente aux enfers. Constance Pittard saigne en direct, remue le couteau dans la plaie béante et réussit pourtant à dérider la salle entière. Au début, il faut faire abstraction du côté criard de la voix dû sans doute au micro qu’elle porte collé à la joue. Après, elle nous entraîne dans ses mésaventures. Franche, coquine, sans tabous -au risque d’être en dessous de la ceinture-, la jeune femme très informée dit tout. Obstinée, elle a continué à travailler, malgré la souffrance et l’épuisement. Relate l’intrusion de son ami imaginaire, un « esprit facétieux », l’attitude des autres patients dans les endroits où elle est internée, celle des soignants également (Elle rappelle au passage qu’il y a encore des progrès à faire dans les hôpitaux).

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Défile devant nous une galerie d’êtres humains abîmés qui bousculent les préjugés. La séance d’art-thérapie où l’éducatrice est dépassée par les malades est irrésistible (une peinture en fond de scène de Seymour Laval). Diagnostic ? Jubilatoire. Son solo est bon pour sa santé mentale. Et la nôtre. Cathartique, il encourage à vivre. Baptisé InConstance, il porte bien mal son titre car dirigée par l’auteur acteur, Éric Chantelauze, l’actrice est constante dans l’excellence.

Issue du théâtre amateur, passée par le conservatoire à rayonnement régional de Lille, puis le Conservatoire national supérieur d’art dramatique, Constance s’avère être une comédienne ébouriffante. Tel Fregoli, elle passe d’un personnage à un autre, habite la scène des Mathurins sans temps mort même quand elle se réfugie dans les coulisses. Les textes qu’elle écrit avec son complice l’acteur Pascal Duclermortier rebondissent comme des balles de ping-pong. Elle a été découverte dans l’émission On n’demande qu’à en rire de Laurent Ruquier, son heureux producteur aujourd’hui. Il l’invitera dans « ses » Grosses têtes, et elle sera chroniqueuse sur France Inter. Elle livre là son sixième spectacle. Le premier était intitulé Je suis une princesse, bordel ! Elle peut désormais prétendre au titre de reine.

Au Théâtre des Mathurins (Paris 8e), jusqu’au 7 décembre.