Après avoir racheté Twitter, conseillé le président américain et bousculé l’industrie automobile, Elon Musk s’attaque à un nouveau mastodonte : Wikipédia. Lundi, le patron de Tesla et SpaceX a mis en ligne Grokipedia, son encyclopédie en ligne entièrement générée par intelligence artificielle. Objectif affiché ? «Éliminer la propagande» qui inonderait, selon lui, l’encyclopédie collaborative créée il y a près de 25 ans. «Le but de Grok est la vérité, toute la vérité et rien que la vérité», martèle l’entrepreneur sur son réseau social X. «Nous ne serons jamais parfaits, mais nous nous efforcerons néanmoins d’atteindre cet objectif.»
Le site affiche un design minimaliste : fond noir, barre de recherche épurée, police rappelant son concurrent. Fraîchement lancé dans sa version «v0.1», Grokipedia compte déjà 885.279 articles encyclopédiques. Un chiffre impressionnant, certes, mais qui reste en deçà des 8 millions d’articles de Wikipédia, rappelle le Washington Post .
Passer la publicité«Volonté de contrôler le savoir»
Les visiteurs peuvent déjà rechercher des sujets variés : ChatGPT, Diane Keaton ou la Coupe du Monde de la FIFA 2026. L’entrée consacrée à Elon Musk lui-même décrit son «personnage public» comme un «visionnaire novateur et provocateur irrévérencieux». Le site détaille même son régime alimentaire, soulignant sa consommation de «donuts le matin et de plusieurs Coca Light par jour». Autre différence notable : là où Wikipédia consacre une section «Distinctions» au milliardaire, Grokipedia conclut son article par «Recognition and Long-Term Vision» («Reconnaissance et vision à long terme»). On y apprend que «sa vision à long terme donne la priorité à la protection de la conscience humaine contre les menaces existentielles, en mettant l’accent sur l’établissement d’une civilisation multiplanétaire autonome».
Mais très vite, le site a révélé ses failles. D’après certains observateurs, des entrées contiennent des erreurs factuelles notoires tandis que d’autres s’inspirent largement de contenus de Wikipédia. En outre, environ une heure après sa mise en ligne, le site est devenu inaccessible avant de réapparaître en soirée.
Les premières analyses relèvent que Grokipedia a une orientation conservatrice. Sur la transition de genre par exemple - sujet auquel Musk s’oppose publiquement -, Grokipedia affirme que les bienfaits du traitement médical reposent sur des preuves «limitées et de faible qualité». Auprès du New York Times, Ryan McGrady, chercheur à l’Université du Massachusetts, analyse : «La volonté de contrôler le savoir est aussi ancienne que le savoir lui-même.» Celui qui étudie les encyclopédies et les réseaux sociaux ajoute : «Contrôler ce qui est écrit est un moyen d’acquérir ou de conserver le pouvoir.»
Guerre contre le «wokisme»
Le lancement de Grokipedia n’est pas anodin. Pour Elon Musk, il s’agit là de concurrencer Wikipédia, site qu’il a pourtant apprécié par le passé. En 2017, il tweetait même : «J’adore Wikipédia. Il s’améliore avec le temps.» Depuis, l’entrepreneur milliardaire a revu sa copie et dénonce régulièrement la position de l’encyclopédie en ligne qu’il juge trop «woke».
Le clash a atteint son paroxysme en janvier dernier, après que l’article Wikipédia le concernant a été modifié. Les contributeurs y avaient indiqué que l’entrepreneur avait levé le bras droit avec raideur lors d’un discours célébrant l’investiture de Trump, un geste comparé par de nombreux spectateurs à un salut nazi. Elon Musk, qui a nié avoir exécuté un salut fasciste, n’a alors pas caché sa colère sur X : «Étant donné que la propagande des médias traditionnels est considérée comme une source "valide" par Wikipédia, elle devient naturellement une simple extension de la propagande des médias traditionnels !» Il avait ensuite appelé ses abonnés à cesser de contribuer au site, allant jusqu’à tweeter : «Définancez Wikipédia jusqu’à ce que l’équilibre soit rétabli !»
Passer la publicitéLe 29 septembre, Musk a ainsi annoncé sur X son intention de créer Grokipedia, en réponse à une publication de David Sacks, le «Monsieur IA» du président Trump et investisseur dans plusieurs de ses entreprises, qui qualifiait Wikipédia de «désespérément biaisé» . Le milliardaire avait initialement prévu un lancement le 20 octobre, avant de le reporter à la fin de la semaine. Son explication ? «Nous devons redoubler d’efforts pour expurger toute cette propagande.»