L'ombre de la dissolution plane toujours sur l'Assemblée nationale. Mais est-elle réalisable concrètement et avec quel calendrier ? Alors que les députés continuent à débattre sur la partie recettes du projet de loi de finances pour 2026, s'ils ne trouvent pas de compromis sur la question fiscale, l'option de la dissolution entre les mains d'Emmanuel Macron, va de nouveau se poser.
Et le temps presse, explique Benjamin Morel, politologue et maître de conférences en droit public à Paris II Panthéon-Assas, invité de franceinfo lundi 27 octobre. Car selon lui, après le 15 novembre, dissoudre "paraît très improbable".
franceinfo : D'après vous, l'horloge tourne, dissoudre après le 15 novembre serait quasiment inenvisageable, pour quelle raison ?
Benjamin Morel : Le 15 novembre est une date indicative. L'important, c'est le délai de mi-novembre, pour une raison simple. Si vous avez une dissolution mi-novembre, c'est a priori qu'on ne s'est pas mis d'accord, d'ici là, sur un budget. Et donc, il y a deux options : soit les lois spéciales, qui doivent être déposées à l'Assemblée avant le 19 décembre et votées avant le 31 décembre [ce qui avait été fait pour Michel Barnier]. Et si jamais une dissolution arrive à partir de la mi-novembre, cela ne permettrait pas de le faire, parce que le premier tour [des élections législatives anticipées] doit avoir lieu après 20 jours et le deuxième après 35 jours. Cela porte à fin décembre, et le temps de mettre en place l'Assemblée, cela ne permettra pas de voter les lois spéciales.
"Il ne peut pas y avoir de loi spéciale parce que vous n'avez pas de Parlement qui siège pour les voter. Vous ne pouvez pas avoir d'ordonnances, parce qu'il n'y a plus de projet de loi que vous pouvez appliquer par ordonnances."
Benjamin Morel, politologuesur franceinfo
L'autre voie, ce sont les ordonnances, que vous pouvez exécuter au bout de 70 jours après le dépôt du projet de loi de finances à l'Assemblée nationale. Le problème, c'est que les ordonnances dépendent de l'existence d'un projet de loi. Or, l'effet d'une dissolution, c'est de faire disparaître tous les projets de lois qui sont en discussion à l'Assemblée nationale. Auquel cas, vous ne pouvez pas exécuter par voie d'ordonnances.
Pour revenir au calendrier, si une dissolution est décidée à la mi-novembre, cela signifie que les législatives se dérouleraient juste avant Noël ?
Le premier tour des législatives aurait probablement lieu dans la première quinzaine de décembre et un second tour aurait lieu quinze jours plus tard, donc en effet, entre Noël et Nouvel An. En effet, ce serait extrêmement compliqué. Après, il y a, malgré tout, des délais pour tenir les élections législatives, de 35 jours maximum après la dissolution. Donc, d'un point de vue procédural et juridique, si jamais cela doit se tenir entre Noël et le Nouvel An, on sera contraint de les organiser entre Noël et Nouvel An. Mais comprenez bien que maintenant, pour toutes les raisons qu'on a données, ce n'est clairement pas l'idéal. Et que donc, dissoudre après la mi-novembre et jusqu'au 1er janvier, cela paraît très improbable.
Pourtant, on a vu ces derniers temps qu'on trouvera toujours un moyen de faire passer un budget...
Il faut en faire passer deux, le PLF et le PLFSS, le budget de l'État et le budget de la Sécu.
"Si jamais on n'arrive pas à trouver une majorité pour, comme on le disait, il y a deux voies : soit vous votez des lois spéciales, mais elles ont un coût économique."
Benjamin Morelà franceinfo
Cela signifie que vous reconduisez uniquement les dépenses courantes de l'État, cela permet de payer les fonctionnaires, pas d'en recruter de nouveaux. Cela permet de faire continuer vos services publics, mais pas de construire, par exemple, une nouvelle ligne de chemin de fer. Derrière, il y a des marchés publics qui sont perdus et ça, c'est un poids pour l'ensemble de l'économie. Deuxième possibilité, c'est de faire passer le budget par ordonnances. Il faut voir que hors le régime de Vichy, dans ce pays, on a toujours voté un budget depuis 1816 et, donc, que ce sera un vrai coup porté au régime parlementaire et à la démocratie en général.