«Il ne faut rien lâcher» : à Villeurbanne, le travail de la BST face aux dealers du Tonkin saluée, mais la prudence reste de mise

«Il y en a beaucoup qui sont au placard, les autres sont morts». Un an après les dernières fusillades sanglantes, le quartier du Tonkin semble avoir retrouvé un peu de quiétude. Les allées et passerelles qui desservent ce dédale de grands ensembles voisin du parc de la Tête d’Or, à la frontière entre Lyon et Villeurbanne, se sont vidées des chaises installées par les dealers. L’action de la brigade spécialisée de terrain (BST) créée il y a dix mois et dédiée au quartier est louée de tous, habitants comme pouvoirs publics. La préfète et le directeur de la police nationale du Rhône se sont d’ailleurs rendus sur place il y a dix jours pour se féliciter du démantèlement des huit points de deal identifiés.

«La BST, ils sont bien, ils interviennent vite, ça change la donne», valide cet habitant du quartier depuis 40 ans, qui dit avoir vu par le passé plusieurs «jeunes en train de mourir avec une balle dans le corps». «C’était très compliqué quand on allait prendre le tram, maintenant c’est vrai que ça va mieux là-bas, raconte une retraitée qui vit de l’autre côté de la dalle. Ça va mieux mais il ne faut pas baisser la garde car ils peuvent revenir très vite, dès qu’il y a un espace, c’est un fléau». Pour l’heure, il n’y a pas de reconstitution des points de deal démantelés. Contrairement aux années 2022-2023, les habituelles guerres de gang pour reprendre ces points n’ont pas cours cette fois. «La BST continue de travailler sur place», confirme plusieurs sources, tandis que les rondes restent visibles.

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«Quand on dit que ça va mieux c’est une réalité», abonde Sylvie, du collectif Tonkin PaixSible, qui s’était fait connaître en allant déloger les dealers du bas des tours. Elle se dit satisfaite du démantèlement des deux derniers points de deal en début de mois, particulièrement celui de l’école Nigritelle. «Le groupe scolaire était encadré de points de deal avec des enfants confinés parce que les dealers se tiraient dessus», rappelle-t-elle. Le démantèlement, une fois de plus, du point du 4 rue Jacques Brel, la même semaine, revêt aussi une symbolique importante. Situé face au tram, il est particulièrement prisé des consommateurs. «Est-ce tout terminé pour autant ? Non !, nuance Sylvie. Merci à la BST mais il ne faut rien lâcher».

«Des transactions plus discrètes»

Quelques mètres plus loin en effet, entre les feuilles mortes plaquées au sol par les averses automnales, des corps juvéniles restent aussi collés au bitume de la promenade Jean-Monnet. Entre le terrain de foot et le square pour enfants, trottinette à côté, ces petites mains occupent le terrain. «Il y a eu un gros effort pour réhabiliter cette promenade qui est très appréciée et donne sur l’entrée de l’école maternelle, mais elle est trop souvent privatisée par de jeunes dealers qui font n’importe quoi et vont cacher diverses choses dans le square pour enfants, ce qui est impensable », reprend Sylvie.

«Pour l’instant il n’y a pas de reconstitution des points de deal mais on voit qu’il y a des transactions plus discrètes au niveau de ce square de l’Europe », confirme une source municipale. Des rabatteurs sont présents à l’arrêt du Tonkin pour flécher les acheteurs vers ce point de vente plus informel, indiquent plusieurs interlocuteurs. Un manège facilement observable pour qui passe quelques heures sur place. «C’est moins visible, moins embêtant, mais ça reste présent, assure cet habitant historique. Ils se sont adaptés. Certains font de la livraison, ils ont toujours un temps d’avance». Si les habitants sont vigilants, pas question de s’opposer frontalement aux dealers. «Ça doit être très lucratif», souligne le même résident, rappelant les guerres de gangs venus de toute la métropole et parfois plus loin, pour ce point de vente très rentable. «Il ne faut pas crier victoire», avertit ainsi une source municipale.

«Ce n’est pas l’état d’esprit, assure-t-on dans l’entourage de la préfète. La BST est dédiée à ce quartier et continuera d’y travailler. Il y aura des tentatives de reconstitution mais le but c’est de les éradiquer tout de suite. Il y aura des démantèlements si besoin, des interpellations. On continue de prendre des interdictions de paraître dans le quartier». Des interdictions qui accompagnent aussi les peines de prison prononcées ces derniers mois. Ce fut encore le cas lors des démantèlements du début de mois, qui ont abouti à des peines de six à 12 mois de prison contre des revendeurs. D’autres suspects, présentés comme gérants et approvisionneurs, ont été placés en détention provisoire dans l’attente de leur jugement.