Premier hôtel en station de ski, formule all inclusive... Les nouveaux plans de Mama Shelter

Mama Shelter ouvre un nouveau chapitre de son histoire. La marque emblématique d’hôtellerie lifestyle, fondée en 2008 par la famille Trigano et rachetée depuis par le groupe Accor, prépare un «double salto», comme l’image son directeur général, Cédric Gobilliard. Au programme, une catégorie de destination et une formule inédites. Alors que les Mama égayent depuis l’origine les espaces urbains avec leur concept branché et festif à prix abordable, un premier établissement va pousser à la montagne, dans la station de ski de Val Thorens, en Savoie. Arrivée prévue en novembre 2027. Le chantier du bâtiment de 148 chambres et d’une capacité de 350 lits a démarré au pied des pistes du domaine skiable XXL des 3-Vallées. Ce n’est pas la seule nouveauté.

«Nous serons sur un modèle de resort (complexe touristique avec un ensemble complet de services NDLR) afin de proposer du ’tout inclus’ à nos clients pour des séjours de quatre, cinq, six nuits, sans renoncer à notre positionnement moyen-haut de gamme très compétitif pour la montagne », annonce le directeur général. Une petite rupture avec le modèle développé jusqu’à présent dans les 19 «Mama», dont 11 en France.

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La clientèle séjourne brièvement dans des chambres design mais exiguës. Le concept veut que l’on y passe le moins de temps possible pour s’encanailler dans les espaces festifs, bar ou restaurant, ouverts aux populations locales. Avec l’objectif de créer un joyeux mélange de «lieu de vie et de fête» prophétisait le fondateur Serge Trigano, qui conseille toujours la marque avec ses deux enfants. La structure du chiffre d’affaires -à la croissance élevée mais que le groupe ne communique plus- en a longtemps fait un Ovni dans l’hôtellerie. Ce ne sont pas les nuitées mais le «food & beverage» qui génère la majorité des revenus de ces 4-étoiles, jusqu’à 65%.

«Devenir un hôtel de destination»

Le futur lobby. Pour ce premier hôtel alpin, Mama Shelter garde sa logique de conception interne. Elle est l’œuvre du Mama Design Studio et gardera l’esprit design et coloré. Ennismore / Marcos Eleftheriou

Alors que la course frénétique à la «montée en gamme» dans les stations d’altitude exclut ou rebute un nombre grandissant de touristes, l’enseigne fourbit le concept pour tracer sa voie singulière et, jusqu’à présent, sans sortie de route.

« On l’avait fait au lancement de Mama Shelter en 2008 en proposant des nuitées à 69€ dans un quartier peu touristique de Paris ! rembobine Cédric Gobilliard. Val Thorens est notre seul projet en station, mais nous devons écrire une offre et concevoir un parcours client sur plusieurs jours en conservant nos points forts et notre capacité à attirer les locaux et les gens de l’extérieur pour bruncher ou prendre un cocktail. On se lance dans le resort pour devenir un hôtel de destination tout en offrant un maximum de flexibilité et de choix, pour séduire ceux qui ne viennent plus à la montagne, découragés par les prix.»

La formule all inclusive sera éprouvée presque concomitamment dans le nouvel établissement de Marrakech, prévu aussi en 2027. Le Mama Shelter de la ville ocre vise lui aussi une clientèle de séjour prolongé, dans un contexte ensoleillé cette fois-ci.

Catalogue élargi

Pour étirer les séjours au ski, le groupe peut piocher dans le catalogue des «pas de côté» qui enrichissent la formule originelle dans d’autres «Mama». L’opus des 3-Vallées sera par exemple nanti d’une piscine de 100 m² avec couloir de nage, dont les clients profitent à Rome depuis 2021. L’unité de Rennes a dégainé en 2023 une offre spa et cabines de massage qui se retrouvera à Val Thorens à côté des grands classiques : un cinéma et un karaoké, 400 m² d’espaces restauration et autant de terrasses avec vue sur la vallée des Belleville, club de fitness, kid’s and teens club, parking... « Nous proposerons les forfaits et cours de ski, et le ski room est convertible en mode été pour déposer des VTT», complète Cédric Gobilliard.

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Pour le président de MKG Consulting Vanguelis Panayotis, ce virage alpin est prometteur. « Le all inclusive est une tendance de fond de l’hôtellerie, plébiscitée par les clients qui veulent à la fois maîtriser leur budget et s’offrir des expériences, analyse-t-il. Il y a un enjeu en montagne où le nombre de skieurs devrait baisser mais peut être compensé par des activités. Il y a beaucoup de sens à proposer un concept plus abordable, à rebours de la gentrification, qui plus est dans cet esprit festif, comme l’a montré l’hôtel La Folie Douce à Chamonix».

Ballet des grues

Les futurs espaces de restauration de Val Thorens occuperont 800 m², dont 400 m² de terrasses panoramiques. Ils accueilleront aussi la clientèle extérieure. Ennismore / Marcos Eleftheriou

Dans la plus haute station d’Europe, avec son front de neige à 2300 m, l’arrivée de l’enseigne semble bien accueillie. Il faut dire que l’enjeu est de taille. Mama Shelter sera la tête de gondole de l’un des plus vastes projets d’aménagement en altitude. Sur le plateau du Cairn (2100 m), à l’entrée de la station, deux grues s’activent sur les friches pour bâtir le nouveau Mama. Le ballet n’est pas près de s’interrompre.«2000 nouveaux lits au total s’ajouteront aux 26 000 d’aujourd’hui, ce sera l’une de nos dernières grandes opérations», signale Vincent Lalanne, le directeur de l’office de tourisme.

Un MMV et un hôtel-résidence de 420 lits du groupe local les Montagnettes sont déjà annoncés parmi la dizaine de nouveautés résidentielles. Des lits pour saisonniers boucleront le programme.

Le défi de l’été

« Mama Shelter est une marque internationale, comme Val Thorens qui compte jusqu’à 70% de skieurs étrangers, poursuit Vincent Lalanne. L’esprit festif et convivial colle à l’esprit de la station. De nombreux établissements accueillent déjà les clientèles extérieures, c’est un point important à nos yeux.»

«Ce sera complémentaire avec l’offre existante, j’espère surtout que ça va permettre à une nouvelle clientèle de profiter de la montagne», adoube l’hôtelier Cédric Gorini, dont le groupe familial possède notamment deux adresses à Val Thorens, dont le 5-étoiles le Pashmina.

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Sur le plan financier, Mama reste fidèle à son modèle. Les murs ne lui appartiennent pas. Le projet est porté par deux groupes familiers des stations de ski, le promoteur Cogeco et la financière Galata, qui compte à son actif le Novotel haut-savoyard de Megève -une marque du groupe Accor. Un pedigree solide pour «réinventer la montagne» comme l’ambitionne Mama Shelter, dans le contexte florissant de Val Thorens. Le taux de remplissage moyen flirte avec les 70% entre novembre et mai, avec des pics à 88% en haute saison de ski, pour 2,5 millions de nuitées annuelles. À un petit détail près : le groupe doit aussi apporter son écot à l’accueil de touristes sur les périodes estivales où la station sonne creux.

« Nous sommes ravis d’accueillir Mama Shelter qui doit contribuer à nous diversifier en étant ouvert en été», rappelle le maire des Belleville (commune dont dépend Val Thorens), Claude Jay. «Nous adapterons nos ouvertures et activités en fonction de la dynamique de la station et de la saisonnalité», assure Cédric Gobilliard. L’attractivité n’est plus la même en juillet-août dans l’immensité minérale de la vallée des Belleville. La totalité du chiffre d’affaires estival pèse à ce jour moins d’une demi-journée d’activité de ski en hiver.