La Sécurité sociale a demandé à ce praticien de se mettre en conformité, exigeant qu’il se consacre entièrement à chaque patient pendant 30 minutes. Il risque également une perte de son conventionnement s’il poursuit ses pratiques.
Passer la publicité Passer la publicitéUne «performance» médicale qui suscite la suspicion. Installé depuis 1990 à Mantes-la-Jolie (Yvelines), Frédéric Juge, kinésithérapeute de 62 ans, reçoit... sept à huit patients toutes les 30 minutes, soit jusqu’à 150 par jour. Ce qui lui a valu fin août un courrier de la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM), a appris Le Figaro, confirmant une information du Parisien. Celle-ci a calculé que le praticien recevait 115 patients par jour en moyenne, et lui réclame donc de rembourser un trop-perçu d’un million d’euros, selon 78Actu. La caisse a par ailleurs déposé une plainte devant l’Ordre des masseurs-kinésithérapeutes.
La somme réclamée représente, explique l’Assurance maladie, la différence entre l’activité de Frédéric Juge et une activité jugée «normale». En principe, la durée des séances de kinésithérapie doit être de l’ordre de 30 minutes et le praticien doit se consacrer «entièrement à son patient», indique la nomenclature générale des actes professionnels (NGAP). «Une activité normale est estimée entre 18 et 24 patients par jour», précise l’Assurance maladie. Or, «c’est le rôle de l’Assurance maladie de s’assurer de la qualité des soins des patients, et des dépenses de santé». Le kiné francilien risque également une perte de son conventionnement s’il poursuit ses pratiques.
Passer la publicité«On doit de l’attention à nos patients»
Mais Frédéric Juge est d’un autre avis. «Est-ce que je travaille sans prescription médicale ? Est-ce que je fais de fausses feuilles de soins ? Il n’y a rien de tout ça. La seule chose qu’ils trouvent c’est que comme j’ai beaucoup de résultats, je suis un voleur et un fraudeur», s’insurge le professionnel. Pour recevoir les malades, il s’est doté de nombreuses machines (musculation, rééducation…) afin de garantir l’autonomie du patient : «Je dispose aussi d’une machine qui renforce, entre autres, les quadriceps. On adapte le programme selon les patients. Vous comprenez bien que je n’ai pas besoin de rester trente minutes avec eux», s’est-il justifié auprès du Parisien. «Le kiné qui se contente de simples massages, c’est fini, explique-t-il. Grâce à la technologie, les patients travaillent plus seuls et le traitement est plus précis», s’est-il défendu sur BFMTV.
«C’est vraiment le contraire de ce qu’il faut faire», a rétorqué Pascale Mathieu, présidente du conseil de l’Ordre des masseurs-kinésithérapeutes, sur la chaîne d’informations en continu. «On doit de l’attention à nos patients […] Les voir quelques minutes et les laisser travailler seuls sur des machines n’est pas une bonne pratique.» Le métier repose sur une «approche globale du patient», les appareils ne remplaçant «ni la main, ni l’œil, ni la présence», rapporte la Communauté professionnelle territoriale de santé 78 Porte de Normandie.
Afin de se mettre en conformité, Frédéric Juge devra réduire son nombre de patients. «On va devoir aller ailleurs», déplore un patient sur BFMTV. Car Mantes-la-Jolie, dans les Yvelines, manque de praticiens. L’Île-de-France est même considérée comme le premier désert médical du pays par l’Ordre des médecins. Frédéric Juge a saisi la Commission de recours amiable de la CPAM, «qui l’étudie et se prononcera sur ce dossier dans les semaines à venir», indique l’Assurance maladie au Figaro.