Au Sénégal, la tuerie de Thiaroye "préméditée" pour "rétablir l'ordre colonial", dit Mamadou Diouf

Le 1er décembre 1944, au camp militaire de Thiaroye près de Dakar, l'armée coloniale française a ouvert le feu sur des tirailleurs africains qui réclamaient le paiement d'arriérés de solde après avoir combattu en Europe durant la Seconde Guerre mondiale. Ce drame s'inscrit dans un contexte précis, selon Mamadou Diouf. 

Recrutés dans les colonies françaises en Afrique - actuels Sénégal, Mali, Burkina Faso, Guinée, entre autres - quelque 150 000 soldats ont combattu dans les rangs français en 1939-1945. Avec la fin de la guerre, pour les autorités, une question surgit, explique l'historien : "Que faire des soldats noirs ? Ne faut-il pas blanchir l'armée de la libération ?" Ainsi pour lui, "l'armée coloniale a préparé cette intervention", car la violence visait à "rétablir l'ordre colonial" face aux revendications des tirailleurs.

Paris accusé de "dissimulation"

La France a parlé pendant longtemps de 35 morts, mais "les estimations les plus crédibles avancent les chiffres de 300 à 400 morts", estime Mamadou Diouf. En novembre 2024, Emmanuel Macron reconnaissait officiellement que les forces coloniales françaises ont commis un "massacre". 

Jadis désignée comme "mutinerie" par Paris, la tuerie de Thiaroye avait été précédemment qualifiée de "répression sanglante" sous la présidence de François Hollande. Celui-ci avait aussi promis la déclassification complète des archives françaises liées au drame.

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Mais aujourd'hui, "la France dit que ces documents n'existent pas", regrette l'historien. "Le fait que certains documents aient été caviardés illustre effectivement une politique de la dissimulation", "ou même "d'entrave".

 

 

 

 

À Thiaroye et ailleurs, "l'Empire (français) a utilisé des techniques, des méthodes d'une extrême violence et d'une extrême brutalité", rappelle-t-il. "La France est-elle capable d'assumer cette part de son Histoire, et de prendre les dispositions nécessaires ?" "Cette histoire est partagée", conclut Mamadou Diouf. 

Texte par Sophian Aubin