Le Bureau d’enquêtes et d’analyses (BEA) pour la sécurité de l’aviation civile a rendu un rapport préliminaire, un mois après la collision évitée entre deux avions. Un appareil Nouvel Air avait manqué atterrir sur un A320 d’easyJet, prêt à décoller.
Passer la publicité Passer la publicitéComment un avion en phase d’atterrissage s’est-il retrouvé sur la même piste qu’un second appareil s’apprêtant, lui, à décoller ? L’«incident grave» , selon la qualification du Bureau d’enquêtes et analyses (BEA) pour la sûreté de l’aviation civile, survenu à Nice (Alpes-Maritimes) le dimanche 21 septembre, reposerait avant tout sur une erreur de piste, dans des circonstances qui restent encore à éclaircir. C’est en ce sens que le rapport préliminaire du BEA penche. Publié mercredi 22 octobre, il ne préjuge toutefois «pas des conclusions qu’il pourra formuler dans son rapport final».
À partir des informations issues des enregistreurs de vol - des voix du cockpit et des paramètres -, des premiers témoignages recueillis ainsi que des enregistrements des radiocommunications et des données radar, les enquêteurs ont retracé minute par minute le déroulement de vols des deux A 320, l’un appartenant à la compagnie britannique easyJet et l’autre à la flotte de la compagnie tunisienne Nouvel Air. Dès lors, il apparaît que ce dernier a demandé et obtenu plusieurs autorisations du contrôle aérien «pour modifier son cap afin d’éviter des masses nuageuses», aux alentours de 23h10.
Le pilote de Nouvel Air confirme une piste différente
À 23h27, l’avion d’easyJet, qui doit relier Nice à Nantes, est autorisé à s’aligner sur la piste 04 R et doit attendre, car la cabine n’est pas prête. Au même moment, l’appareil Nouvel Air entame sa descente, après avoir eu le feu vert du contrôle aérien pour atterrir sur la piste 04 L. Une lettre de différence pour deux pistes, la première réservée aux décollages, la seconde pour les atterrissages. L’équipage de la compagnie tunisienne «collationne», c’est-à-dire qu’il répète et confirme la piste 04 L. Pourtant, à 23 heures, 31 minutes et 36 secondes, l’avion s’aligne sur la piste 04 R. Un premier niveau d’alerte, orange, se déclenche cinq secondes plus tard dans la tour de contrôle, au moment où l’A 320 d’easyJet pénètre sur la même piste. Le deuxième et plus haut niveau d’alerte, rouge, se déclare seize secondes après la première alerte.
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Au sol, le commandant de bord de l’avion d’easyJet exprime «son étonnement à propos de la trajectoire perçue [par l’appareil Nouvel Air]. L’équipage n’identifie pas pour autant de conflit», note le BEA. À 21 heures, 32 minutes et cinq secondes, le contrôleur contacte l’équipage de l’avion Nouvel Air. «Nouvel Air 586, I confirm 04 L.» «Short final 04 L», répond l’équipage de la compagnie tunisienne, alors qu’il se trouve pourtant sur l’autre piste. Le contrôleur donne à nouveau son autorisation pour un atterrissage sur la piste 04 L.
De 12 à 3 mètres d’altitude en une seconde
Dix-huit secondes plus tard, l’avion de Nouvel Air survole celui d’easyJet, passant de 12 à 3 mètres d’altitude en une seconde, avant de remonter à 7 mètres dans la seconde suivante. «Cette variation de hauteur correspond très probablement au survol», analyse l’organisme public, qui conclut ce déroulé minutieux en soulignant que le train d’atterrissage principal de l’avion de Nouvel Air n’a pas touché la piste. L’accident a donc été évité de peu. Dans la foulée, la tour de contrôle ordonne à l’appareil de la compagnie tunisienne de remettre les gaz.
Outre cela, les conditions météorologiques étaient «défavorables», détaille le BEA. L’organisme dit également «avoir eu connaissance d’autres événements au cours desquels des équipages auraient confondu les pistes 04 L et 04 R. Les premiers éléments semblent indiquer que la différence de perception et la brillance entre les deux pistes pourraient contribuer à ce type de confusion». Le BEA précise ensuite les prochaines étapes de l’enquête, avec «une attention particulière» à l’étude des conditions météorologiques, l’impact de la différence de brillance des balisages entre les deux postes ou encore la formation et les procédures des équipages de conduite des vols, et des contrôleurs aériens.
En parallèle, deux autres enquêtes sont toujours en cours. L’une est ouverte par le parquet de Nice pour «mise en danger de la vie d’autrui» afin d’établir les éventuelles responsabilités. Elle a été confiée à la brigade de gendarmerie des transports aériens, indique le parquet. La seconde est une enquête interne, menée par la direction du Service de la Navigation Aérienne.