Depuis une dizaine d’années, la France s’intéresse à la reconnaissance de la Palestine comme entité politique de droit, mais les déclarations du chef de l’État allaient dans le sens de la recherche du moment opportun.
Le 22 septembre, depuis la tribune de l’Assemblée générale des Nations unies, la France et d’autres pays européens ont apparemment trouvé le moment et l’endroit opportuns. À y réfléchir tranquillement, on a l’impression qu’il s’agit d’une mesure précipitée dans l’urgence qui vise à pousser les Américains à changer de politique et à imposer la fin de la guerre. L’Europe étant incapable de répondre à cette exigence, bien que sa propre population le revendique.
La reconnaissance de l’État de Palestine aurait dû intervenir beaucoup plus tôt, au moment vraiment opportun, c’est-à-dire avant l’escalade du 7 octobre. Cette reconnaissance française, britannique et européenne aurait probablement évité cette guerre.
Reconnaître la Palestine est une mesure de justice devant le refus permanent d’accorder au peuple palestinien le droit à l’autodétermination.
Il s’agit alors de soigner une maladie chronique par un remède efficace. Mais ce remède ne convient plus en situation d’urgence où la mort et la désolation règnent sur la terre de Palestine.
L’évolution du gouvernement français et d’autres pays en Europe est en phase avec l’évolution des opinions publiques.
Fallait-il refuser cette reconnaissance pour autant ? Bien sûr que non, à condition que des réponses soient apportées immédiatement à toutes les questions posées par la campagne meurtrière de l’armée israélienne, et la réalité des intentions du gouvernement de Benyamin Netanyahou, depuis l’adoption du plan américain de vingt points à Charm el-Cheikh.
Les vœux pieux ne suffisent pas à donner corps à cette reconnaissance. Il suffit d’écouter les déclarations du Premier ministre israélien pour s’en convaincre. Israël s’oriente – avec le soutien américain – vers l’approfondissement de sa politique de colonisation en Cisjordanie et le contrôle permanent de Gaza.
Nous ne sommes pas dupes : l’évolution du gouvernement français et d’autres pays en Europe est en phase avec l’évolution des opinions publiques. Le tollé international, les grands mouvements populaires de dénonciation des pratiques israéliennes, ont grandement accéléré le mécanisme de la reconnaissance.
La proximité systématique des positions officielles avec les pratiques coloniales d’Israël depuis des dizaines d’années n’est plus admise comme une donnée naturelle des relations euro-israéliennes par l’immense majorité des Européens.
Une faille commence à se creuser entre l’opinion publique en Europe, attachée aux valeurs universelles des droits de l’homme, et les positions pro-israéliennes des gouvernants. L’image d’Israël, pays occidental, devient de plus en plus floue ; est-ce bien le même État que l’Europe a enfanté en 1948 ?
Le peuple palestinien n’est pas isolé du monde ; la Palestine fait partie intégrante d’un territoire qui s’étend sur plus de 13 millions de kilomètres carrés, et d’une nation de plus de quatre cents millions d’habitants. Une nation que la colonisation européenne a réussi à diviser en une multitude de pays, plus ou moins grands. Des pays incapables individuellement d’influer sur le cours des événements, y compris ceux de la Palestine.
Les opinions publiques arabes ne peuvent s’exprimer ; les pouvoirs en place ne sont pas de nature démocratique. La répression féroce est la méthode habituelle de gestion des affaires du peuple. Cet état de choses ne durera pas éternellement ; la France et l’Europe feront tôt ou tard face à de nouvelles situations, les obligeant à revoir leur vision des rapports trans-méditerranéens.
Les mouvements démocratiques combattus par les régimes autoritaires depuis 2011, lors de l’éclatement du Printemps arabe et mis en échec, trouveront un jour, comme l’eau des fleuves, leur chemin. Un nouveau monde oriental naîtra ; ceux qui ont connu la guerre froide s’en souviendront.
Ce monde arabe, libre des chaînes des dictatures, ne pliera pas devant les menaces israéliennes ; il tentera de rétablir ses droits et de reprendre une place parmi les nations. La France et l’Europe auront beaucoup plus à gagner à soutenir dès maintenant les aspirations des peuples arabes, à commencer par l’abandon de la politique de deux poids, deux mesures.
Le droit international doit de nouveau triompher en Europe
Le droit international doit de nouveau triompher en Europe ; défendre la paix à Gaza devient une exigence des peuples du monde entier, mais aussi et surtout des peuples arabes, partout où ils existent ; il suffit de tendre le micro dans n’importe quelle rue pour s’en rendre compte.
Soutenir la politique de colonisation d’Israël et la répression des régimes arabes, comme nous le voyons depuis de longues années, ne fera qu’éloigner les avant-gardes démocrates des valeurs humanistes françaises et européennes, et laissera le champ libre aux extrémistes.
Les vagues de migrants sont la conséquence de la situation politique, économique et de l’absence de libertés. Les mouvements terroristes y trouveront un milieu de culture favorable. Nous ne pouvons éviter ces risques qu’à condition d’agir pour un avenir commun. Ces actions doivent aboutir à la fin de la guerre et de l’occupation de la Palestine, permettre l’exercice du droit à l’autodétermination de son peuple sans limites ni conditions et appliquer rigoureusement le droit international. Mais aussi arrêter de soutenir les dictatures arabes. L’avenir des relations entre les deux rives de la Méditerranée passe par ces deux conditions.
La guerre à Gaza dessine aujourd’hui les contours de ce nouveau monde. La Méditerranée sera-t-elle un pont pour nous rapprocher ou un mur de séparation pour nous éloigner ?
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