Dans le réfectoire du cloître du Grand-Moûtier de l’Abbaye royale de Fontevraud, haut lieu de l’histoire monastique et nécropole des Plantagenêt, le contemporain dialogue avec le passé. 18 vitraux, imaginés par l’artiste François Rouan, viennent d’être installés. Une commande ambitieuse, portée par le Centre culturel de l’Ouest, présidé par Bruno Retailleau, et accompagné par l’État et la région Pays de la Loire.
Sur la paroi sud et la paroi nord du réfectoire de l’abbaye, les 18 nouveaux vitraux ont pris place dans les ouvertures existantes. C’est l’œuvre du peintre François Rouan. « Je ne suis pas le sujet, je suis coupable », confie jeudi l’artiste. Coupable, certainement pas, mais maître d’œuvre de la restauration de ce lieu historique où tout, depuis neuf siècles, restait apparemment muet : silence des religieuses, silence des prisonniers, silence des murs en pierre.
À travers ses vitraux, réalisé par l’Atelier Loire, maître verrier depuis 1946, l’artiste a voulu raconter la double histoire du lieu : abbaye de 1101 à 1792 et maison centrale de 1814 à 1963. « Je me suis donc mis dans la peau d’un prisonnier, et du bout des doigts je dessinais », explique François Rouan. Quant au choix des couleurs, le jaune d’argent représente l’héritage historique du lieu, où sont enterrées Aliénor d’Aquitaine, Henri II Plantagenêt, Richard Cœur de lion et Isabelle d’Angoulême, belle fille d’Henri II. La couleur rouge évoque quant à elle la mémoire carcérale et le silence.
« Un réel parti pris »
Outre les couleurs, ce sont les motifs choisis par François Rouan qui retiennent l’attention. On y trouve des portraits d’abbesses et de grands triskèles qui occupent presque toutes les baies. Ce symbole, issu des cultures celtes, évoque les éléments naturels (feu, air et terre) dans un mouvement circulaire. Un motif qui s’éloigne des références chrétiennes du lieu. « C’est un réel parti pris », assume l’artiste.
À la différence du projet d’installation de vitraux contemporains à Notre-Dame de Paris, celui de Fontevraud s’est imposé dans la discrétion. « Personne ne s’y est opposé. Il était nécessaire d’intervenir, les fenêtres commençaient à pourrir », assure Martin Morillon, directeur de l’abbaye. « Notre réflexion s’est portée sur la manière de remettre le lieu au goût du jour tout en le stabilisant », ajoute-t-il.
« Je ne voulais pas polluer. »
François Rouan
« Le contemporain, parfois, pollue », admet l’artiste. « Je ne voulais pas polluer, mais trouver une forme de simplicité. » Ici, le verre ne « s’impose pas », selon lui, il devient une surface de résonance, laissant la lumière dialoguer avec la mémoire du lieu. « Je voulais quelque chose de simple, presque discret, poursuit-il. Ce que j’ai fait, je pensais que personne ne le remarquerait. »
La création de ces 18 vitraux s’inscrit dans une opération chiffrée à un million d’euros. Le premier volet, piloté par l’État, a consisté à restaurer entièrement les menuiseries du réfectoire (600 000 euros). La seconde partie du projet concerne la commande artistique des vitraux par la région Pays de la Loire (400 000 euros). L’ancien réfectoire, qui fait maintenant office de « salle polyvalente » va pouvoir accueillir des concerts, des expositions ou encore des mariages.