Passe d’armes chez France Télévision. En cause : un reportage autour d’une exposition, organisée par le Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) sur les massacres antisémites des mouvements terroristes du 7-Octobre en Israël. «Un article clairement communautariste», selon un communiqué du syndicat CGT de France Télévision en date du 13 octobre.
«La CGT veut exercer une police de la pensée !», a dénoncé Yonathan Arfi, président du CRIF. «Pour la CGT de France TV, la parole des Juifs ne mérite d’être rapportée ... que s’ils sont d’accord avec elle ! Une vision totalitaire du métier de journaliste comme de la démocratie», a-t-il ajouté.
Passer la publicité«Il serait dommage de passer à côté de ce communiqué de la CGT de France Télévision : consacrer un article au pogrom du 7/10, c’est trop pour ces ’journalistes’…», a grincé le journaliste de Libération Jean Quatremer. «Révisionnisme en bandoulière, elle vole au secours de LFI», a regretté de son côté Aurélien Véron, élu LR au Conseil de Paris.
Plusieurs témoignages - tant de visiteurs que de personnalités publiques - dépeignent l’horreur des crimes et la peur ressentie depuis par certains Français juifs. Pour la CGT, l’article « pose de graves problèmes déontologiques, mais il semble laisser la direction totalement indifférente». D’abord, l’usage du terme «pogrom» pour qualifier l’attaque du 7-Octobre. «Il n’est pas approprié et il est critiqué par de nombreux historiens», selon le communiqué. Le Larousse définit pourtant un pogrom comme une «attaque accompagnée de pillage et de meurtres perpétrée contre une communauté juive». «Il est passé dans le vocabulaire courant pour désigner un déchaînement de violence contre une minorité», ajoute la CGT.
Le sort de la famille Bibas
«Or, les Israéliens massacrés le 7 octobre ne sont pas membres d’une minorité mais citoyens d’un État qui occupe, oppresse et colonise un autre peuple», assure le syndicat. L’article, donc, «consiste à se servir des interviews pour faire passer des messages biaisés, ou des informations fausses». Le communiqué vise particulièrement un passage dans lequel une femme témoigne de «son ras-le-bol» du Hamas «qui joue avec [les] nerfs». «Il faut être un monstre pour tuer les pauvres bébés Bibas à mains nues. C’est le Hamas qui commet un génocide, ce sont eux les nazis, pas les Israéliens», explique-t-elle. Le sort de la famille Bibas a été très médiatisé. Elle habitait le kibboutz Nir Oz, l’un des plus touché.
Les grands-parents ont été assassinés et les parents et deux enfants, dont un bébé, ont été enlevés. Le père a été libéré, mais la mère et les enfants ont été tués par une frappe israélienne selon le Hamas, et «à mains nues» selon l’expertise médico-légale israélienne, réalisée après le retour des dépouilles mortelles. «Un mot sur le contexte et les bombardements massifs sur des civils palestiniens aurait permis de rééquilibrer les choses», assure la CGT. «Mais l’aut[eur] de l’article, par interviews interposées, préfère désigner les ’monstres’ et les ’génocidaires’ dans un seul camp, celui du Hamas», ajoute-t-elle.
Au fond, la CGT regrette surtout «un article communautariste» : «Il n’adopte qu’un seul point de vue, celui d’une communauté juive qui se sent légitimement meurtrie par ce massacre, mais sans jamais le restituer dans un conflit plus large». Et de poursuivre : «Un article aussi communautariste s’agissant d’autres minorités en France, et notamment de la minorité musulmane, ne serait jamais passé sur FTV», martèle la CGT. Or, rien n’avance l’appartenance religieuse dans l’article, sauf le témoignage d’une participante.
Passer la publicitéMais le syndicat va plus loin et dénonce «l’instrumentalisation du 7 octobre pour stigmatiser LFI et le taxer d’antisémitisme». Le 7 octobre 2023, la France Insoumise parlait d’une «offensive armée de forces palestiniennes». Mathilde Panot avait reçu une convocation pour «apologie du terrorisme» le 30 avril dernier, en pleine campagne pour l’élection des députés européens. Au lendemain du premier anniversaire du 7 octobre, Mathilde Panot, présidente du groupe LFI à l’Assemblée nationale, avait qualifié les attaques du Hamas contre Israël d’«acte terroriste». «Nous commémorons cette semaine les 1.200 victimes de l’acte terroriste du 7 octobre, dont 800 civils, dont 42 de nos compatriotes», avait-elle expliqué lors d’un point presse.