Les Français considèrent la Russie comme une «menace pour la souveraineté des pays de l’Union européenne». Une proportion passée de 72% en septembre à 80% en octobre, selon un sondage paru ce jeudi soir, réalisé par l’agence Dynata. Une hausse à mettre en regard avec les différentes incursions de drones dans les espaces aériens européens, dont l’origine est majoritairement attribuée à la Russie. «Ces événements n’ont fait que confirmer une idée déjà ancrée», résume Antoine Bristielle, coauteur de l’étude et directeur de l’Observatoire de l’opinion de la Fondation Jean Jaurès.
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Mais cette étude ne se concentre pas que sur l’opinion française, elle s’étend à trois autres pays européens : l’Allemagne, l’Italie et le Royaume-Uni. Le résultat est sans appel : 78,9% des citoyens de ces pays considèrent la Russie comme une «menace pour la souveraineté des pays de l’Union européenne». «Parallèlement, l’image de la Russie (83% d’opinions négatives) et celle de Vladimir Poutine (85% d’opinions négatives) restent profondément dégradées», relève les auteurs de l’étude. À l’inverse, Volodymyr Zelensky jouit d’une image avec 65% d’opinions favorables. 71% des Français, par ailleurs, ont une image positive de l’Ukraine.
Passer la publicitéMaintenir des garanties de sécurité
Les Européens sont confrontés à un véritable lâchage de Donald Trump, qui a mené, sans échange préalable avec ses alliés européens, des discussions directes avec les Russes. Depuis, Paris a abrité de nombreuses conférences, dont les dernières ont vu l’émergence d’un leadership franco-britannique pour soutenir Kiev. En réalité, les négociations patinent. Donald Trump, depuis son investiture, a multiplié les initiatives diplomatiques envers la Russie pour trouver un accord. Mais ses idées de cessez-le-feu en mer Noire, où la flotte russe a été défaite, ou pour arrêter les frappes contre les infrastructures énergétiques, n’ont pas abouti. Donald Trump, qui a récemment estimé que l’Ukraine «pouvait reconquérir tout son territoire», hausse désormais le ton face à Vladimir Poutine. Volodymyr Zelensky, qui se rend à Washington ce vendredi, voudrait en profiter pour obtenir des missiles à longue portée Tomahawk.
Les négociations stagnent car le Kremlin campe sur ses positions : désarmement de l’Ukraine, changement de régime à Kiev avec le départ de Volodymyr Zelensky jugé illégitime, et reconnaissance des provinces (oblasts) annexés depuis le début de la guerre (Crimée dès 2014, Kherson, Zaporijjia, Donetsk et Louhansk en 2022). Sur le terrain, les combats, très violents, se concentrent surtout aux alentours de la ville de Pokrovsk, nœud logistique important du Donbass (est du pays). Mais ils sont ralentis par l’utilisation massive, de part et d’autre, de drones qui empêchent des manœuvres de grande ampleur.
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Kiev demande avec insistance, avant toutes négociations, des garanties de sécurité américaines. Celles-ci doivent permettre à un éventuel accord de paix, ou a minima de cessez-le-feu, d’être respecté par les Russes. L’Ukraine redoute que Moscou ne saisisse une opportunité de signer un accord provisoire afin de se regrouper pour mieux relancer un nouvel assaut si les Alliés ne lui fournissent pas de garanties. Le Kremlin s’était déjà engagé à de nombreuses reprises à respecter la souveraineté et les frontières de sa voisine. Le mémorandum de Budapest, signé en 1994, prévoyait déjà des garanties de sécurité territoriale pour l’Ukraine de la part des États-Unis et de la Grande-Bretagne. Ce qui n’a pas empêché le Kremlin d’envahir la Crimée, puis de lancer une attaque à grande échelle en 2022.
Ces garanties de sécurité sont plébiscitées par les citoyens des quatre pays européens cités dans l’étude. 79,9% estiment que l’Ukraine «devrait obtenir de solides garanties». D’autant que 63,3% de ces Européens ne font pas confiance à Vladimir Poutine pour respecter un éventuel cessez-le-feu et ne pas relancer de guerre en Ukraine. Se pose donc l’inévitable question : qui sera chargé de le faire respecter ? Les Américains refusent d’envoyer leurs troupes, plusieurs pays Européens, réunis dans «la coalition des volontaires», pourraient en faire partie. Cette dernière solution est refusée catégoriquement par le Kremlin. 45% des citoyens interrogés souhaiteraient voir l’Union européenne tenir ce rôle, bien qu’elle ne dispose pas de forces militaires en propre. 39,2% souhaitent que l’ONU en soit chargée et 35,3% appellent les États-Unis. Seuls 13,5% soutiennent un déploiement de la coalition des volontaires.
Enfin, les Européens sondés se divisent sur la forme que pourraient prendre ces garanties de sécurité. 37,1%, la part la plus importante, souhaite que l’Ukraine «intègre progressivement l’Union européenne». L’article 42-7 du traité de l’Union européenne dispose d’ailleurs qu’au cas «où un État membre serait l’objet d’une agression armée sur son territoire, les autres États membres lui doivent aide et assistance par tous les moyens en leur pouvoir, conformément à l’article 51 de la charte des Nations unies». 35,3% demandent l’intégration progressive au sein de l’Otan, dont l’article 5 prévoit une clause de «sécurité collective». Cette solution toutefois n’a pas reçu d’accueil particulièrement chaleureux aux États-Unis. 31,2% des Européens demandent la poursuite du soutien militaire à l’Ukraine et 28,4% voudraient «envoyer des troupes en Ukraine comme le font les Américains en Corée du Sud».