Isolement, évasion ratée, «tortures très sévères»... Les otages libérés livrent leurs premiers témoignages

Après la joie et le soulagement de la libération des 20 derniers otages vivants de la bande de Gaza, vient le temps de la réparation des corps et des âmes. Lundi, ceux qui ont passé 738 jours en captivité ont été accueillis à la base militaire de Re’im par leurs familles, mais aussi par des médecins et des psychologues. Ils ont tous été accompagnés, pour certains en fauteuils roulants, vers trois hôpitaux israéliens : Sheba à Tel HaShomer, Sourasky (Ichilov) à Tel-Aviv et Rabin (Beilinson) à Petah Tikva. Là-bas, passé le bonheur des retrouvailles, les langues se sont rapidement déliées, pour raconter ces deux dernières années en enfer.

C’est le cas d’Avinatan Or, kidnappé au festival Nova avec sa petite amie Noa Argamani. Les images de leur capture, dont celle de la jeune femme emmenée de force vers Gaza sur une moto, avaient fait le tour du monde. Si cette dernière a été libérée au cours d’une opération militaire israélienne le 8 juin 2024, son compagnon a dû patienter. Séparé dès le départ de Noa, Avinatan Or est resté isolé pendant toute la durée de sa captivité, sans croiser aucun autre otage, rapporte la douzième chaîne de télévision israélienne. Son examen médical a révélé qu’il avait perdu 30 à 40% de son poids en détention. Selon le quotidien Hayom, le jeune homme de 32 ans a tenté une évasion qui a échoué. Lors de sa libération, il a pu passer quelques minutes seul avec sa compagne, et le couple a pu fumer «sa première cigarette ensemble depuis deux ans».

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Des moments de «coexistence»

Technicien au festival Nova, l’Israélo-Colombien de 36 ans Elkana Bohbot a, lui, passé la plupart du temps enchaîné dans un tunnel, où il a perdu toute notion de temps et d’espace, selon la même chaîne de télévision. Il s’est cependant souvenu du jour de l’anniversaire de son mariage, et a demandé à ses ravisseurs de prendre une douche pour l’occasion, ce qui lui a été accordé. Les jumeaux Gali et Ziv Berman ont, eux, été détenus séparément, bien que dans la même zone. Chacun ignorait donc s’il allait retrouver son frère vivant. Ils ont tous deux témoigné d’un manque régulier de nourriture et précisé que certains de leurs ravisseurs leur parlaient en hébreu.

Les retrouvailles des jumeaux Berman. ISRAEL DEFENSE FORCES / REUTERS

Les parents d’un autre otage, qui préfèrent préserver son anonymat, ont raconté au quotidien Hayom que les terroristes du Hamas pointaient leurs armes à feu sur la tête des captifs lorsqu’ils ne coopéraient pas suffisamment. Lorsqu’ils étaient déplacés, les otages étaient généralement déguisés. Ces mêmes parents témoignent de moment de «coexistence» entre geôliers et prisonniers. Selon eux, les terroristes n’hésitaient pas, par exemple, à les solliciter s’ils avaient besoin d’un joueur supplémentaire aux cartes.

Boaz Miran a confié au même journal que son frère Omri Miran se souvenait précisément de chaque détail de sa détention, lui qui aurait été détenu à 23 endroits différents de la bande de Gaza. «Il y avait une pénurie de nourriture : parfois il recevait une petite assiette de riz une fois par jour, parfois tous les deux jours. Pendant trois semaines en janvier 2024, il n’a pas eu de nourriture du tout», indique-t-il. «Les otages cuisinaient pour leurs ravisseurs et mangeaient parfois avec eux». Mais l’état de santé d’Omri Miran est bon, à la fois physiquement et mentalement, rassure son frère. «C’est la même personne qui nous a quittés il y a deux ans, il a toujours son sens de l’humour», ajoute-t-il, assurant que la pratique du yoga l’a beaucoup aidé, lui qui exerce la profession de thérapeute shiatsu.

«Nourri de force»

À l’inverse, le soldat Matan Angrest, capturé dans son char le 7 octobre, a subi des «tortures très sévères», a témoigné son père auprès de la Douzième chaîne. Le militaire a été électrocuté à l’aide de batteries de voiture et d’un défibrillateur, jusqu’à perdre connaissance, avait indiqué la presse israélienne avant sa libération. Les nombreux interrogatoires violents qu’il a subis ont déclenché chez lui des crises d’asthme chroniques. Toujours selon les médias hébreux, le jeune homme ne peut plus bouger certains doigts à cause de graves blessures aux mains, et notamment des brûlures, qui ont touché ses nerfs. «Au cours des quatre derniers mois, il se trouvait dans un étroit tunnel sombre. Quelques jours avant sa libération, ses geôliers lui ont offert beaucoup plus de nourriture», souligne son père.

Matan Angrest à sa libération. GOVERNMENT PRESS OFFICE / REUTERS

Kidnappé durant le festival Nova, Guy Gilboa-Dalal a, lui, parfois été «nourri de force», raconte son père. Il a un temps été détenu avec Evyatar David, lui aussi libéré le 13 octobre, qui était apparu très amaigri dans une vidéo publiée en août dernier par le Hamas et le Djihad islamique. Sur l’un des extraits, il semblait creuser sa propre tombe, pelle à la main. Pour certains otages, la vie s’est brutalement arrêtée le 7 octobre 2023 et a repris le 13 octobre 2025. Yosef Chaim, lui aussi enlevé au festival Nova, a eu du mal à réaliser que le monde avait avancé pendant ce temps-là. «Il y a déjà un iPhone 17 ? Lors de mon enlèvement, nous n’en étions qu’à l’iPhone 14», s’est-il étonné après sa libération, selon le média Ynet. «Il ne savait même pas ce qu’était ChatGPT», ont témoigné ses amis.